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Le droit à la paresse est-il légitime? Le débat s'agite après les propos de Sandrine Rousseau

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La députée EELV de Paris, Sandrine Rousseau, se dit en faveur d’un “droit à la paresse”, arguant que le travail est “une valeur de droite”. Des propos qui ne manquent pas de faire réagir depuis.

Une nouvelle petite phrase de Sandrine Rousseau, députée de la 9e circonscription de Paris, cristallise en partie les débats de ce vendredi 16 septembre. Lors d’un passage sur la chaîne Franceinfo, la députée écologiste a affirmé que tout Français avait un "droit à la paresse", un "droit à la transition des métiers, quand on a un métier dans une industrie polluante on a le droit de changer, on a le droit de faire aussi des pauses dans sa vie”.

Des propos en réponse au leader du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, qui avait déclaré plus tôt la semaine dernière, que "la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minimas sociaux", déclenchant une pluie de critiques au sein de la NUPES.

“Surtout, il nous faut retrouver du temps, le sens du partage, et la semaine de 4 jours. Là on n’est pas du tout là-dedans, on est dans la valeur travail mais la valeur travail pardon, mais c’est quand même une valeur de droite”

Ajoutant que la valeur travail est “quand même une valeur de droite”, Sandrine Rousseau ne manque pas de faire réagir avec ces propos, que l’on soit en faveur ou opposé à cet avis tranché.

Un droit à la reconversion, pas à la paresse

Au cours de l’émission Apolline Matin, c’est tout d’abord Cédric, un chauffeur routier et auditeur de RMC, s’est insurgé contre les propos de l’écologiste. “Pour moi la paresse, c’est un défaut. Peut-on défendre un défaut? C’est du n’importe quoi, vous vous rendez compte? Pour des gens comme moi qui travaillent tôt, qui se lèvent tôt…”, a tout d’abord lancé l’auditeur.

“Je suis chauffeur poids-lourds, je travaille à des horaires décalés. Quand je rentre chez moi je me repose, ensuite j’enchaîne en étant VTC. C’est un choix, car j’estime que je ne peux pas être paresseux. J’ai de la force, de l’énergie, je suis jeune, je dois bosser”, a continué Cédric. Il affirme faire un total de 18h de travail par jour en cumulant ses deux emplois, “un choix” explique encore le chauffeur routier.

Du côté d’Henri, retraité, le constat est similaire. Se disant opposé à cet avis de Sandrine Rousseau, il se demande “qui va payer tous ces gens qui ne font rien? Je n’ai jamais pris de congés maladie ni rien du tout. (À l’époque), il fallait travailler pour arriver à quelque chose”, enrage-t-il.

Si Laurent, chef d’entreprise en restauration à Carpentras (Vaucluse), explique avoir “bondi dans la voiture” en entendant les propos de la députée EELV de Paris, il apporte toutefois de la nuance dans son opposition aux affirmations de Sandrine Rousseau, en expliquant notamment qu’il faut y avoir une sorte de droit à la reconversion.

“Je pense qu’à un moment donné, il va falloir remettre le travail au centre. Oui il y a des patrons qui sont crapuleux, qui ne payent pas, qui profitent… Ca je suis d’accord. Mais à un moment donné il faut arrêter de beurrer la tartine et de l’amener dans la bouche des gens, il faut arrêter”

Laurent travaillait auparavant dans le secteur maritime. Il a toutefois décidé de tout plaquer pour changer radicalement de profession, un choix qui a conduit Laurent à stopper éphémèrement son activité professionnelle.

"J'ai fait une formation, j’ai pris le temps de savoir ce que je voulais faire. Donc faire une pause dans sa vie, par exemple pour faire une formation, ça permet de souffler de l’endroit où on est. (...) Une pause, on peut la faire. Je connais des gens qui se sont arrêtés de travailler pendant un an, mais après ce sont des gens qui ont travaillé et donc qui avaient des droits. Mais ceux qui font une pause toute leur vie en profitant du système…”, lance le chef d’entreprise.

La liberté de choisir avant tout, Poutou au secours de Rousseau

Les avis ne sont pas tous réfractaires à cette conception de la vie posée par Sandrine Rousseau, à commencer par celui de Philippe Poutou, porte-parole du NPA. Expliquant que le terme “droit à la paresse” est avant tout un terme militant, utilisé par Paul Lafargue au XIXe siècle, Philippe Poutou détaille que “c’était une formulation polémique mais pas que. C’était pour dire que face à l’exploitation du travail forcené, il y avait besoin de réduire le temps de travail. Il y avait la possibilité de faire en sorte qu’il y ait un partage du travail entre toutes et tous”.

Et selon lui, “c’est encore plus possible aujourd’hui de faire en sorte que l’on travaille beaucoup moins. Ce n’est pas juste pour du loisir, car ça c’est important, mais aussi pour faire autre chose de sa vie que du travail rémunéré ou en tout cas exploité”.

“Il y a du travail associatif, s’occuper de son quartier… Il y a des tas de choses à faire, que l’on n’appelle pas travail, mais qui restent des activités qui sont importantes et vitales pour la société”

Qui va payer? "La collectivité paye déjà plein de choses, notamment les capitalistes à coups d'aides", tacle Poutou

Et à la question de savoir comment “payer”, comment assumer moins de travail et donc moins de richesses créées par la production, Philippe Poutou estime que la collectivité peut suivre la cadence.

“Vous savez, la collectivité paye déjà plein de choses. Elle paye les capitalistes à coups de dizaines de milliards pour toutes les aides qu’ils ont. (...) C’est une autre conception du travail mais surtout une autre conception de la société, avec une autre organisation économique, et donc une bonne partie de l’économie qui est socialisée”, a-t-il lancé au micro de Charles Magnien.

Pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, le droit à la paresse est aussi dans l’ère du temps. “Les loisirs et la consommation se sont développés. Il y a une évolution selon les générations, et le rapport au travail n’est pas du tout le même qu’il y a 30, 40 ans ou un demi-siècle”.

Enfin, Jean-Pierre, un entrepreneur et aussi auditeur de RMC, laisse tout d’abord la place à la liberté de choisir pour chaque citoyen. “J’ai eu la chance d’élever ma fille pendant les quatre premières années de sa vie quand je vivais en Chine. Ma femme avait un bon salaire, j’avais zéro revenu, je coûtais rien à personne. Chacun fait comme il veut, les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent”, pense l’entrepreneur.

Toutefois, il reste dubitatif quant aux propos de Sandrine Rousseau, notamment pour l’image donnée aux futurs actifs. “J’ai peur. Je me dis qu’elle est face à des étudiants, quelle image ça leur donne du travail? Il faut arrêter de croire que le travail, c’est le bagne. Elle prône que le travail est une valeur de droite : mais depuis quand? Le travail est déjà une fierté pour soi”, a finalement lancé Jean-Pierre.

Alexis Lalemant, avec Siam Spencer