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Nice: la justice annule la fermeture d'un collège musulman

La devanture du collège d'enseignement privé musulman Avicenne, situé dans le quartier de l'Ariane à Nice (Alpes-Maritimes).

La devanture du collège d'enseignement privé musulman Avicenne, situé dans le quartier de l'Ariane à Nice (Alpes-Maritimes). - BFM Nice Côte d'Azur

La justice a annulé un arrêté préfectoral de fermeture d'un collège musulman de Nice. Les autorités reprochaient au collège Avicenne situé dans un quartier défavorisé, l'opacité de ses comptes notamment.

Le collège musulman Avicenne de Nice va pouvoir accueillir ses élèves à la rentrée prochaine, le tribunal administratif de Nice ayant confirmé mardi dans son jugement sur le fond que les erreurs de comptabilité ne justifiaient pas un arrêté préfectoral de fermeture.

"Avicenne sort renforcé de cette épreuve", s'est réjoui l'avocat du collège, Me Sefen Guez Guez, qui entend revenir bientôt devant le tribunal administratif pour contester le refus opposé aux demandes de passage de l'établissement sous contrat avec l'Etat.

"La préfecture prend acte de la décision du tribunal administratif tout en considérant que l'opacité des comptes de l'établissement, reconnue et admise par la juridiction, pose de véritables problèmes au regard de la loi sur le séparatisme", a réagi la préfecture dans un court communiqué.

Quand la polémique dope les candidatures

Situé dans un quartier défavorisé de Nice, ce collège privé hors contrat ouvert en 2016 accueille une centaine d'élèves. La polémique ayant dopé les candidatures, il passera l'an prochain à 130 avec l'ouverture d'une seconde classe de 6e.

Les autorités ne remettent pas en cause la qualité de l'enseignement prodigué, confirmé par la réussite des élèves au brevet puis dans les lycées publics.

Mais la loi de 2021 contre le séparatisme oblige les établissements hors contrat à informer l'administration de l'origine de leurs financements, et l'association Avicenne, émanation de l'Union des musulmans des Alpes-Maritimes (Umam) et gestionnaire du collège, a tâtonné pour répondre aux demandes.

Les tableaux n'ont longtemps pas été dans les formes requises, et les derniers ne mentionnaient que les noms de famille des contributeurs. Les familles payant 200 euros par mois et par élève, l'association dépend fortement des dons pour boucler son budget.

"Si les tableaux et documents fournis par l'association Avicenne au titre des années 2018 à 2022 comportent des erreurs et imprécisions, ces irrégularités relevées ne sont pas (...) de nature à justifier la fermeture définitive de l'établissement", a conclu le tribunal administratif dans son jugement sur le fond.

La décision de fermer Avicenne avait été annoncée le 26 février par la ministre de l'Education nationale Nicole Belloubet et ordonnée le 14 mars par le préfet Hugues Moutouh.

"On subit le séparatisme alors qu'on voudrait intégrer le système"

Les responsables d'Avicenne avaient alors dénoncé un "acharnement". Début juin, le directeur du collège, Idir Arab, avait aussi évoqué "un sentiment d'injustice": "Vous avez un petit projet qui marche dans un quartier où tout s'effondre, pourquoi aller le fermer ?"

D'autant que le collège demande depuis 2019 à passer sous contrat avec l'Etat français, ce qui implique un contrôle plus étendu encore des autorités publiques.

Une inspection à l'automne 2020 avait reproché l'absence d'un laboratoire de physique-chimie et un manque d'infrastructures pour l'éducation physique.

Depuis, le laboratoire a été aménagé et des créneaux réservés à la piscine ou dans d'autres structures mais le rectorat n'a plus donné de nouvelles. Contacté par l'AFP, il n'a pas souhaité s'exprimer.

"On subit le séparatisme alors qu'on voudrait intégrer le système", a regretté M. Arab, en résumant son discours aux élèves: "Vous êtes des Français, vous allez montrer au monde que vous existez et qu'on a besoin de vous".

Des enseignants de toutes confessions

A Avicenne, les élèves suivent le programme officiel, avec en plus 1h30 de langue arabe et 1h30 d'éthique musulmane. Les tenues vestimentaires sont très diverses et les enseignants de toutes confessions.

"Je veux du Lamartine, du Victor Hugo, des Pasteur et des logarithmes", a expliqué Otmane Aissaoui, président d'Avicenne et de l'Umam. "Vous voulez être imam, c'est pas Avicenne!"

Dans son arrêté de fermeture, la préfecture avait aussi pointé des discordances autour de prêts transformés en un don d'un total de 476.000 euros en faveur du collège. Ou encore un prêt accordé par le collège à l'un de ses donateurs.

Saisi en décembre par le préfet, le parquet de Nice a ouvert une enquête préliminaire pour abus de confiance. Mais selon Me Guez Guez, aucun enquêteur n'a contacté Avicenne jusqu'à présent.

G.D. avec AFP