Paye ton taf: quand un collègue dit J’aimerais bien te voir à poil”, ça n'a rien de drôle

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"Le mois dernier, deux projets ont vu le jour sur le sexisme au travail: 'Paye ta robe' dans le milieu des avocates et 'Chair collaboratrice' dans le milieu de la politique. Ça a médiatisé le sujet du sexisme au travail. Du coup les personnes qui vivent le sexisme au boulot et qui ne sont pas dans les milieux juridique ou politique, se sont mises à m'envoyer leur témoignage sur Paye ta shnek.
Le fait est que je ne pouvais pas les publier sur ce Tumblr parce que ça ne rentre pas dans la ligne éditoriale qui est le harcèlement dans les espaces publics et les transports. Mais je trouvais dommage que ces témoignages se perdent donc j'ai ouvert Paye ton taf pour que l'on puisse récolter les témoignages de sexisme au travail, et ce dans absolument tous les domaines professionnels et quel que soit le statut. Parce qu'il y a certains métiers dans lesquels les éléments de langage sont assez spécifiques au domaine professionnel comme les milieux de la banque, de la restauration, le cinéma… Dans ces métiers, la dimension sexiste des phrases est largement compréhensible de tous.
"Quand on parle du sexisme, on se heurte très souvent à du déni"
Cela fonctionne exactement comme Paye ta shnek, c’est-à-dire que sur le Tumblr il y a un formulaire de témoignage qui permet d'envoyer des phrases qui nous ont été adressées. On ajoute simplement la ville et plus ou moins le domaine professionnel dans lequel ça a eu lieu et éventuellement le contexte pour expliquer le propos dénoncé. Et sur ce Tumblr, ce que je trouve intéressant, c'est qu'il n'y a que les propos, que c'est très neutre parce que c'est ce qui fait l'efficacité du recueil de témoignages.
La page Facebook, elle, va au-delà. Cela permet d'ouvrir des discussions. Je propose des réflexions, je relaie des actualités. Parfois, il y a même des mobilisations pour essayer de générer de vrais changements. C'est aussi un parti pris de ma part de ne pas faire de vérification. Parce que quand on parle du sexisme, on se heurte très souvent à du déni, à une minimisation de ce que l'on vit. Du coup, j'ai le parti pris de ne surtout pas remettre en question ce que je reçois. Je pars du principe que les témoignages sont de bonne foi et je ne questionne à aucun moment leur véracité.
"Je t'assure, je te baiserais bien"
Depuis l'ouverture de ce Tumblr, je fais face à une déferlante de témoignages. J'en suis déjà à 900 en moins d'une semaine et tous aussi graveleux et machistes les uns que les autres. Par exemple, 'T’as une petite mine. Vous baisez souvent avec ton copain? Sinon tu me dis, je te dépanne', de la part d'un collègue de l'hôpital psychiatrique. Ou encore 'Tu sais c'est rare mais pour une grosse t'es super bonne. Je t'assure, je te baiserais bien', d'un collègue, de bon matin.
Selon moi, dans le cadre du harcèlement et du sexisme au travail, il faut que tout le monde se rende compte que ces comportements sont inacceptables. Il faut aussi que chacun se positionne quand il en est témoin. Parce que quand on est victime, c'est très compliqué de se positionner. Beaucoup de femmes me disent avoir perdu leur job après avoir eu le malheur de dénoncer des comportements sexistes dans leur entreprise. C'est donc très délicat pour les victimes mais quand on est témoin on devrait se désolidariser, se positionner et exprimer le fait que c'est intolérable.
"La vraie lutte se situe au niveau de l'éducation"
Il ne faut plus que l'on rit aux blagues sexistes. Il faut que l'on arrête d'appeler ça de l'humour sexiste. Ça n'a rien de drôle. Il faut que chacun se positionne et ne laisse plus passer les comportements et les propos sexistes. Ça, c'est la solution immédiate que j'essaie de générer. Ça ira très doucement mais ça peut d'avancer. Mais, selon moi, la vraie lutte se situe au niveau de l'éducation. Il faudrait arrêter de fabriquer ces comportements. Eduquer les plus jeunes à l'égalité soit toutes ces formes: le sexisme, le racisme, l'homophobie… Il faut prendre le problème à la source mais c'est un travail de longue haleine. Cela demande une révision de la structure 'Education nationale' traditionnelle. Mais ça c'est un chantier qui me dépasse de très loin".