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Accro aux séries? "on peut avoir un terrain dépressif et utiliser les séries comme un antidépresseur"

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Amateurs de Game of Thrones, inconditionnels de Scandal, binge-watchers de The Walking Dead, réjouissez-vous, le festival Series Mania débute ce jeudi au Forum des Images à Paris. Mais trop de séries peuvent-elles nuire à la santé? Eléments de réponse avec le psychologue Michael Stora.

Michael Stora est psychologue et psychanalyste, il est auteur du livre "Les écrans, ça rend accro… ça reste à prouver" (Ed. Hachette):

"Ne soyons pas trop alarmiste et ne confondons pas passion et addiction. C'est vrai que les gens sont de vrais fans, donc ils veulent aussi suivre leurs séries préférées, rentabiliser leur abonnement Netflix… Moi avant d'être psy, j'étais cinéaste et je voyais 20 films par semaine, c'était une passion.

On peut avoir un comportement compulsionnel, mais d'une certaine manière il y a quelque chose qui différencie chaque objet. On peut très bien être 'addict' à des choses qui ne sont pas des drogues en soi.

Après, il y a un effet addictif qui est lié à la qualité des séries. Et les séries américaines et certaines séries françaises sont incroyablement bonnes, et à partir de là elles sont addictives. Après, il y a des éléments addictogènes, c'est-à-dire des éléments qui vont tout faire pour nous rendre accros.

C'est vrai que les séries sont tellement de qualité, c'est comme un rapport à une jolie boite en chocolat, on a envie d'en prendre un, deux, et certains gourmands vont finir cette boîte au risque d'être écœuré. Parce que même si une série est excellente, on sent bien qu'on peut être écœuré.

"La série peut se transformer en antidépresseur"

Il y a aussi le fait que l'on peut voir non pas un seul épisode mais carrément cinq saisons d'un coup. Là, la série peut se transformer en antidépresseur. On peut vivre alors dans une forme de réalité parallèle, mais on peut alors dire que l'addiction à la lecture existe aussi.

Ce n'est pas toujours en lien avec la qualité de la série: le fait d'enchaîner autant d'épisodes sur autant d'heures va faire qu'on est dans une forme de boulimie cathodique. Mais à la différence de certains jeux vidéos en ligne, il y a une fin aux séries. Et à ce moment-là, on doit faire une forme de deuil.

On peut effectivement avoir un terrain dépressif et utiliser les séries comme un antidépresseur. L'image télé à le pouvoir de nous ranimer à certains moments. Par exemple, beaucoup de séries fonctionnent sur l'angoisse et l'horreur qui ont une fonction antidépressive. La dépression tire vers le vide. La peur ou l'horreur ont une fonction mobilisatrice. L'angoisse va avoir tendance à réveiller en nous d'autres choses. Le suspense va nous mettre en tension. Je préfère que l'on regarde une série plutôt que l'on prenne du Prozac.

Effectivement chez des rares personnalités hyper fragiles, on a pu voir que c'est plus que de l'addiction, c'est de la fascination qui peut entraîner des processus d'identification un peu morbides".

Propos recueillis par Paulina Benavente