Agression d'une médecin à Châtellerault: "On ne respecte plus la profession"

- - AFP
Philippe Boutin, médecin généraliste à Poitiers, vice-président de l'Union régionale des professionnels de santé d'Aquitaine, va relayer la journée "Santé morte" dans le département de la Vienne:
"L'émotion suite à cette agression est énorme au niveau de la ville de Châtellerault, mais aussi dans tout le Poitou-Charentes et de la Vienne. Dans la profession, nous ne sommes pas surpris parce que depuis deux-trois mois il y a une montée des incivilités. Nous nous attendions à avoir ce type de problème, peut-être pas aussi violent, aussi brutal. Mais nous ne sommes vraiment pas surpris parce que quotidiennement nous faisons face à ce type de manifestation.
Nous sommes confrontés à des retards, des agressions verbales, des impolitesses vis-à-vis du personnel, des gens vindicatifs, qui veulent tout, tout de suite, qui arrivent aux rendez-vous sans leurs papiers, sans leur carte Vitale et qui veulent être pris tout de suite. On ne respecte plus le médecin. Et malheureusement, cela fait déjà assez longtemps. On a exactement les mêmes problèmes que les proviseurs, les professeurs ou les policiers sauf que l'on a une trentaine de patients tous les jours et que ça devient donc compliqué.
"Prendre le problème à bras-le-corps"
Je crois que les politiques ne s'en rendent pas compte. Quand ils parlent de mettre un médecin dans chaque zone sous-dense, ils ne se rendent vraiment pas compte de la réalité du terrain. La déconnexion du monde politique par rapport à la réalité et à la société va au-delà du problème des pains au chocolat. Il faut donc marquer le coup par une journée de santé morte pour bien montrer à la population que nous avons besoin de respect. Nous sommes au service des patients, nous assurons des gardes, la nuit mais il est hors de question de continuer à faire ce métier-là dans des conditions si difficiles.
A Châtellerault, c'est une femme qui a été agressée et si l'on veut que, dans une population médicale de plus en plus féminine, assurer une démographie médicale correcte, il va falloir prendre le problème à bras-le-corps. Sinon, nous n'aurons plus de médecin. Dès lors, une journée santé morte, c'est une absence de réponse ambulatoire, une absence de réponse libérale sur le terrain: pas de généralistes, pas de spécialistes, pas de radiologues, de biologistes. Seules les urgences seront ouvertes. Une telle mobilisation pour faire un électrochoc au niveau de la population, pour montrer à quel point il est important qu'il y ait du respect, qu'on ne soit pas en conflit permanent".