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Bientôt des boîtes de médicaments neutres dans les pharmacies?

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Pour éviter les erreurs d'automédication, l'Agence de sécurité du médicament préconise de mettre davantage en évidence la ou les molécules présentes dans chaque médicament, au détriment du packaging et de la marque. Une préconisation qui fait débat.

Faut-il des boîtes de médicaments neutres dans les pharmacies? La question n'est pas farfelue, c'est l'ANSM, l'Agence de sécurité du médicament qui préconise, pour les produits sans ordonnances, que les marques et les arômes soient plus discrets, au profit des éléments scientifiques. Pour le régulateur du médicament, il s'agit d'éviter les erreurs d'automédication liées à l'achat par marque et non pas par substance active.

Un changement qui ne serait en rien anodin, prévient sur RMC le Docteur Patrick Maison, directeur de la surveillance à l'ANSM. "Nous traitons plusieurs centaines chaque année d'erreurs médicamenteuses liées à des erreurs d'étiquetage. Cela représente 60% des erreurs médicamenteuses que nous traitons chaque année. Nous faisons des recommandations, paquet par paquet, avec le laboratoire lui recommandant de disposer différemment les informations qu'il doit mettre sur son paquet, pour avoir une meilleure lisibilité des informations essentielles et ne pas avoir à retourner le paquet pour avoir la bonne information".

Car aujourd'hui, il n'est pas toujours facile de faire la distinction entre la marque d'un médicament et son principe actif. Philippe Gaertner, pharmacien, explique: "Je vais prendre l'exemple de l'ibuprofène: vous avez du Nurofen, du Spedifen, de l'Advil… tout ça c'est la même molécule. Il faut que le patient repère de façon claire qu'à chaque fois c'est de l'ibuprofène". Le risque de surdose ou d'effet secondaire indésirable par automédication existe, selon l'Agence nationale du médicament, qui recommande de mettre davantage en évidence la ou les molécules présente dans chaque médicament et leur dosage, au détriment du packaging et de la marque.

"Cela va créer de la confusion"

Mais pour l'Association française des fabricants de médicaments vendus sans ordonnance (l'Afipa), cette proposition formulée par l'ANSM risque au contraire de créer une "confusion" chez les patients. "Le choix d'un médicament, se fait par rapport au nom de marque, si le nom de marque est moins visible, vous créez obligatoirement une confusion", anticipe la déléguée génrale de l'Afipa, Daphné Lecomte-Somaggio. L'agence du médicament réfute ce raisonnement: la marque des médicaments sans ordonnance a déjà été à l'origine d'erreurs d'automédication, rappelle-t-elle.

Alors que l'ANSM dit seulement émettre des "recommandations", laissant le soin aux industriels de les suivre ou non, l'Afipa dénonce une "loi déguisée". Car si un laboratoire refuse d'en tenir compte, l'ANSM peut ne pas autoriser sa demande de mise sur le marché d'un nouveau médicament. L'Afipa a déposé un recours en annulation de ces recommandations devant le Conseil d'État fin avril, qui est en cours d'instruction.

Les ventes de médicaments sans ordonnance en France se sont élevées à 2,2 milliards d'euros en 2017, soit 6% du total des ventes d'officines, selon des données du cabinet OpenHealth.

P. G. avec Benoît Ballet