"C'est la population qui paie": la loi Duplomb inquiète professionnels de santé et victimes des pesticides

La loi Duplomb, qui prévoit de réautoriser un pesticide, est examinée ce lundi en Commission mixte paritaire. Cette proposition de loi, défendue par les agriculteurs, est très critiquée. Un rassemblement de malades victimes de pesticides a eu lieu, dimanche, à Paris, sur l'esplanade des Invalides.
Parmi les personnes mobilisées, Michel Daviet est un ancien technicien agricole près de Chartres qui vient de quitter son emploi. Il était chargé de tester différentes semences pour améliorer les rendements. Son métier aurait pu lui coûter la vie.
"J'ai failli perdre la vie violemment avec un cancer du sang. J'ai survécu grâce au médecin. Ce cancer était reconnu en maladie professionnelle. Ça a été confirmé que mon lymphome non hodgkinien était bien dû au contact avec les pesticides", témoigne-t-il.
Le lymphome non hodgkinien fait partie des cancers pour lesquels l’Institut national de la santé, l’Inserm, établit un lien avec l’exposition aux pesticides. "On a de plus en plus de données qui montrent la relation de l'utilisation de pesticides avec un certain nombre de cancers, avec des maladies comme la maladie de Parkinson", note, sur RMC lundi, le Docteur Emmanuel Ricard, directeur de la prévention à la Ligue contre le cancer.
Les données scientifiques menacées
Son organisme dénonce "un recul majeur pour la santé publique" dans une tribune publiée dans Le Monde. Emmanuel Ricard s'inquiète que cette loi supprime "l'expertise de l'Anses" et "remette en cause les données scientifiques". "Il va falloir passer à autre chose et laisser les scientifiques pouvoir avoir une expertise indépendante", souligne-t-il au micro d'Apolline Matin.
Le médecin Pierre-Michel Périnaud, président de l'association "Alerte des médecins sur les pesticides", met en garde sur "une fuite en avant dans l'usage des pesticides". "La liste des pathologies en lien avec l'exposition aux pesticides ne cesse de s'allonger chez les professionnels, et touche maintenant la population générale. Pour nous, ça repose sur un déni des connaissances scientifiques acquises", détaille-t-il.
Selon le Docteur Emmanuel Ricard, "les premiers à payer sont les agriculteurs, les travailleurs agricoles et leurs familles". Les professionnels de santé note qu'il y a "plus de cancers, en particulier des cancers d'enfants, dans les zones où on utilise des pesticides".
La recherche "toujours en retard"
La loi Duplomb prévoit notamment de réautoriser un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride. Cette substance est jugée néfaste pour la biodiversité, en particulier pour la pollinisation et l'activité des abeilles, mais aussi toxique pour la santé humaine. "Les néonicotinoïdes nous inquiètent parce qu'on a des études sur l'animal qui montrent des cancers du sein", explique Emmanuel Ricard.
Ce dernier s'inquiète également d'être "toujours en retard". "Les industriels changent régulièrement de pesticides, et donc il nous faut du temps pour étudier la dangerosité ou non de ces produits", alerte-t-il.
"On est toujours en retard, et c'est la population qui paie", insiste-t-il.
La Ligue contre le cancer a demandé le retrait des articles de la loi qui aggravent l’exposition aux pesticides. La Commission mixte paritaire regroupe 14 sénateurs et députés qui doivent se mettre d’accord sur ce texte.