Canicule: les urgences "ne sont pas prêtes", alerte le médecin Patrick Pelloux

"Au moment où nous nous parlons, les hôpitaux ont la capacité de répondre aux besoins", a assuré lundi la ministre de la Santé Catherine Vautrin, oulignant qu'aucun établissement n'avait activé de "plan blanc" d'urgence. "La volonté du gouvernement c'est d'être en anticipation", a-t-elle aussi déclaré.
"Faux", lui répond ce mardi sur RMC le médecin urgentiste Patrick Pelloux, très en colère. "Ce sont des éléments de langage du gouvernement", fulmine-t-il. "Des gens attendent 8 h dans certains services d’urgence. Après, on accuse toujours le personnel… alors qu’on sait qu’on a fermé 44. 000 lits depuis le Covid. Le célèbre « quoi qu’il en coûte » n’a pas empêché de continuer à fermer des lits."
Des services d'urgences qui ferment temporairement
Ce week-end, les urgences de l'hôpital de la Côte fleurie, à Cricqueboeuf (Calvados) étaient fermées du 9 au 11 août. 320% des établissements ont déclaré avoir fermé au moins une fois leur service d'urgence en 2024, soit 7 points de moins qu'en 2023. Ces fermetures étaient "principalement ponctuelles", peut-on lire sur le site de la Société française de Médecine d'urgence.
Autre exemple parmi d'autres, en Bretagne, au CHP de Saint-Grégoire, à côté de Rennes (Ile-et-Vilaine), les urgences sont fermées entre 20h et 8h du matin jusqu'au 22 août. De même à Caen pour le CHP Saint-Martin, cette fois concerné jusqu'au 31 août.
Appeler le 15 avant de se rendre aux urgences, de "l'humour noir" pour Patrick Pelloux
Catherine Vautrin a néanmoins prévenu que les conséquences d'un épisode de chaleur n'étaient pas forcément les plus marquées dans l'immédiat et pouvaient se traduire par un afflux de patients après quelques jours. Dans ce contexte, en cas de malaise, elle a appelé les Français à ne pas se rendre directement aux urgences, afin de ne pas les surcharger, mais à contacter le Samu au 15. CE que Patrick Pelloux dénonce comme une "espèce d'humour noir".
Jean-François Cibien, médecin urgentiste à l’hôpital d’Agen-Nérac, abone dans le sens de Patrick Pelloux concernant l'état des urgences. "Pour boucher les trous, je vais aller faire 50 heures dans les 5 jours à venir", déplore-t-il, fataliste, au micro de RMC.
"Boucher les trous"
Une charge de travail supplémentaire pour des soignants déjà surmenés. A Marseille, à l’hôpital des quartiers nord, on appréhende que "des collègues se mettent en arrêt", confie une infirmière. Des conditions de prise en charge stressantes aussi pour les patients, qui engendrent parfois des violences verbales.
Au CHU de Nice, toutefois, les urgences assurent, comme le gouvernement, qu'elles seront prêtes. "Toutes les surveillantes vérifient que les climatisations fonctionnent bien. S’il n’y a pas de clim, il y a des ventilateurs, on a des pipettes à eau pour faire boire les personnes âgées", explique auprès de RMC Pierre-Marie Tardieux, chef de pôle des urgences.
"Les canicules vont revenir : c’est un changement de civilisation. On est la dernière roue du carrosse, on prend ce que personne ne veut : la pauvreté, les gens abandonnés", estime Patrick Pelloux
Cet épisode, le deuxième de l'été 2025 en France, devrait durer au moins jusqu'au weekend du 15 août selon Météo France, avec une progression de la chaleur vers le Nord. "C'est l'un des plus gros weekends de l'année, c'est donc un weekend pour lequel nous avons évidemment une attente toute spécifique avec des services d'urgences prêts à répondre", a souligné Catherine Vautrin.
"Il y a le monde rêvé, fantasmé, et le monde réel", raille Patrick Pelloux. Ceux qui devraient avoir le plus d’aide — les plus malades — n’ont plus personne. Quand on leur dit : « N’allez pas aux urgences », mais… où voulez-vous qu’ils aillent ? Il y a un abandon de la ruralité, des villes moyennes. On prétend inventer des solutions pour amener des médecins… c’est du pipeau, ça ne fonctionne pas", fustige encore le médecin.
"La casse de la Sécurité sociale"
"La canicule souligne tous les dysfonctionnements de notre société, et en premier lieu la pauvreté. Ceux qui vont le plus souffrir de la canicule, ce sont les plus pauvres", dit amèrement le médecin urgentiste, qui redoute la "casse de la Sécurité sociale". "C'est la finalité et ce serait une erreur absolument majeure", conclut-il, pessimiste.