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Cannabis thérapeutique: pourquoi ça bloque malgré les volontés politiques?

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Le nouveau ministre de la Santé estime qu’il faut "étudier la voie" du cannabis médical. Mais pourquoi ça bloque ?

Faut-il que la France accélère sur le cannabis médical? Avant toute chose, précisons que l’on parle bien ici de cannabis thérapeutique, à usage médical. Le cannabis récréatif, consommé pour le plaisir, le ministre de la Santé Yannick Neuder a rappelé justement qu’il y était totalement opposé et ce n’est pas le débat ici, on en est très loin.

Ce début 2025 marque la fin d’une expérimentation qui a duré plus de 3 ans supervisée par l’Agence nationale du médicament. Au total 3.200 patients se sont vu prescrire des médicaments à base de cannabis thérapeutique, et aucune décision n’a été prise sur l’autorisation ou non de ce traitement en France. On sait seulement que les patients pris en charge dans le cadre de l’expérimentation bénéficient d’un "sursis" de 6 mois, comprenez qu’ils vont devoir se sevrer, pour passer à un autre traitement.

Ce mercredi, Yannick Neuder, nouveau ministre de la Santé issu de la droite, a quand même ouvert la porte. Il dit qu’il faut "étudier la voie" du cannabis médical. Cardiologue de formation, il avait déjà plaidé pour en tant que député. Il explique que le cannabis thérapeutique permet de traiter des douleurs "rebelles", qui ne sont pas soulagées par d’autres médicaments.

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Expliquez-nous par Hélène Terzian : Santé/Cannabis thérapeutique, le ministre étudie la voie - 02/01
4:26

Très concrètement aujourd’hui le cannabis thérapeutique c’est un médicament qui se présente sous forme d’huile, à prendre par voie orale, et dans le cadre de l’expérimentation il est effectivement prescrit pour des douleurs neuropathiques, des épilepsies sévères, des complications liées au cancer ou à ses traitements, ou encore des raideurs musculaires pour des patients atteints notamment de sclérose en plaque ou à la suite d’un AVC. Voilà pourquoi le ministre estime qu’on a "peut-être besoin de cette classe thérapeutique".

Pourquoi ça bloque ?

La question n’est pas tant médicale que politique. Certes, l’Académie de médecine, conservatrice, elle est plutôt sceptique. La recherche est plutôt mitigée. Une étude de référence, dans le British Medical Journal, nous dit que le cannabis thérapeutique améliore de façon limitée la situation des patients. Mais l’an dernier, la Direction générale de la santé a publié un rapport favorable sur l’expérimentation.

C’est surtout une question de choix politique. L’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau avait bien pris l’engagement de créer un statut "ad hoc" au cannabis médical. Mais un an après, c’est toujours le flou sur l’entrée de ce médicament dans le droit commun.

Pour que ça se concrétise, il faut des textes réglementaires, et l’instabilité politique n’y est pas pour rien. D’abord, pas moins de 4 ministres de la Santé en 2024. Et puis, le professeur qui supervise l’expérimentation juge les gouvernements successifs de moins en moins enclins à avancer. Aujourd’hui, avec un exécutif qui fait de la guerre contre la drogue son étendard, forcément ça n’aide pas. Difficile d’imaginer un gouvernement avec Bruno Retailleau et Gérald Darmanin autoriser le cannabis même thérapeutique.

Pourtant c’est bien autorisé ailleurs

C’est légal dans une cinquantaine de pays dans le monde, et dans plusieurs Etats américains. C’est simple la plupart des pays membres de l’Union européenne autorisent les traitements à base de cannabis thérapeutique, contre la douleur et l’anxiété. L’Allemagne, l’Espagne ou encore le Portugal qui est le fleuron européen du cannabis médical. En 2023, le Portugal a exporté 12 tonnes de produits médicaux à base de cannabis thérapeutique vers d’autres pays d’Europe, d’Amérique Latine et même l’Australie.

Il faut quand même préciser que ces autorisations varient selon les pays. Le cannabis thérapeutique est par exemple seulement accessible sur prescription en Argentine. Il est cultivé par l’armée en Italie. En Hongrie, certains médicaments à base de cannabis sont autorisés pour les patients atteints de sclérose en plaque mais il faut une validation des autorités au cas par cas.

La France fait donc figure d’exception en Europe, parce que depuis les années 2000 les législations se sont beaucoup assouplies.

Hélène Terzian (édité par J.A.)