Comment les experts de l'OMS vont essayer de trouver l'origine du virus en Chine?
L'OMS a composé son équipe de Sherlock Holmes. Ils sont une dizaine de scientifiques de toute nationalités, des virologues, des épidémiologistes, des biologistes, des spécialistes de santé publique. Ils vont se rendre très prochainement à Wuhan pour mener une enquête ultra-sensible : essayer de trouver enfin quand, où et comment est né ce coronavirus.
Les Chinois ont accepté la venue de cette commission d'enquête mais ils vont l’encadrer. Ces experts seront souvent accompagnés de scientifiques chinois, ils devront s’appuyer sur des études chinoises déjà faites et ne pourront pas tout reprendre à zéro. C’est le New York Times qui a révélé toutes les limites et les entraves de cette future enquête.
Toujours pas de certitude sur les origines du virus
Non, on sait que la moitié des 426 premiers malades avait fréquenté le fameux marché des animaux vivants de Wuhan où l’on vendait des écureuils, des renards, des rongeurs, mais aussi des serpents ou des crocodiles. Mais on sait aussi aujourd’hui que quatre des cinq tout premiers malades, contaminés dès le mois de novembre 2019 n’avaient jamais mis les pieds dans ce marché.
L'hypothèse retenue aujourd’hui, c’est donc que le marché n’est pas le lieu d’origine de l'épidémie. Il a été un lieu de contamination très important, pas le lieu de naissance.
Quel est l’animal qui nous a transmis le Virus ?
On a très vite accusé le pangolin, ce mammifère sauvage apprécié des Chinois pour sa chair et ses écailles. Dès le 22 janvier des scientifiques chinois avaient d'ailleurs désigné les pangolins, il y a aussitôt eu un emballement scientifique et médiatique, mais on sait aujourd’hui qu’ils ont sûrement été accusés à tort. En tout cas, personne n’a pu prouver que le virus avait transité par les pangolins.
Les scientifiques restent persuadés que les coronavirus viennent des chauves-souris et qu’il faut un animal intermédiaire pour le transmettre aux humains. Lors d'épidémies précédentes on avait identifié des civettes palmées pour le Sars, des chameaux pour le MERS, des cochons en Malaisie pour la grippe porcine. Là on n'a pas encore trouvé et c’est très embêtant.
Et si le virus était sorti d’un laboratoire?
C’est l’hypothèse qu’avait évoqué très vite Donald Trump : "Et si les chinois avaient fabriqué ce virus?". Mais aujourd’hui le New York Times explique que c’est tout à fait invraisemblable, qu’il y a un consensus scientifique, des preuves incontestables que le virus n’a pas été fabriqué, qu’il vient bien de la nature.
Mais cela ne veut pas dire qu’il ne sort pas d’un laboratoire. Cela pourrait être un virus naturel, conservé, étudié dans un labo et qui finit par s’en échapper accidentellement. C’est déjà arrivé. Une pandémie de Grippe A en 1977 a été causée par une erreur de manipulation. On avait libéré un virus H1N1 qui avait passé des décennies dans un congélateur de labo. C’est une enquête du "Monde" qui raconte ces précédents.
"Le Monde" avait déjà évoqué l'hypothèse d’un virus de 2012 qui avait touché des mineurs chinois
C’est l’histoire oubliée des mineurs du Mojiang, racontée dans une passionnante enquête de 4 pages, signée Stéphane Foucart dans "Le Monde" d’hier.
En avril 2012, six hommes ont été hospitalisés au sud de la chine souffrant de fièvre et de détresse respiratoire. Trois de ces hommes vont mourir à l'hôpital, les trois autres vont s’en sortir. Ils ont en commun d’avoir travaillé à nettoyer une mine désaffectée, peuplée par des colonies de chauves-souris.
Le virus des mineurs du Mojiang a ensuite été étudié surtout par un laboratoire de Wuhan et il était très proche de l’actuel coronavirus. Il y a eu des publications scientifiques mais aussi des publications qui ont bizarrement disparues. Des non-dits, des contradictions et un institut qui aujourd’hui refuse de communiquer. Tout cela conclut l'enquête du Monde, nourri des interrogations.
Le virus échappé d’un laboratoire, cela reste une hypothèse parmi d’autres. Les experts de l’ONU vont essayer d’en savoir plus. Jusqu'à présent les épidémiologistes ont toujours réussi à résoudre les énigmes. On connaît la grotte où est né le SRAS, on connaît le village africain et même l’arbre ou Ebola a été transmis à des enfants. Pour le Covid-19, on ne sait pas encore.