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Crise sanitaire Covid-19: les riches doivent-ils passer à la caisse ?

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Henri Sterdyniak, économiste, membre du collectif "Les économistes atterrés", était l'invité de RMC, vendredi matin.

C’est un débat qui revient à chaque période de crise, mais qui, cette fois, est porté par des personnalités d’ordinaire très éloignées. Ainsi, mercredi, le Fonds monétaire international, le FMI, a recommandé aux gouvernements, qui ont besoin de ressources supplémentaires pour continuer à aider les plus vulnérables pour sortir de la crise, d'augmenter les impôts sur les plus riches ou les entreprises ayant fait plus de bénéfices pendant la pandémie.

"La pandémie a accru les inégalités, et les gouvernements ont dû fournir un soutien" financier important aux personnes et aux entreprises les plus durement touchées, a déclaré Paolo Mauro, un des responsables des affaires budgétaires au FMI lors d'une conférence de presse. Il est "nécessaire de mobiliser des recettes fiscales supplémentaires" pour les redéployer à travers les soins de santé, l'éducation, les filets de sécurité sociale, a-t-il ajouté.

Pour ce faire, le FMI recommande, comme il l'avait fait en octobre, la mise en place d'une fiscalité provisoire sur les revenus les plus élevés pour aider les gouvernements à répondre à ces besoins de financement. 

Il est rare, en effet, de voir l’ONG Oxfam, qui lutte contre les inégalités, et le Fonds Monétaire International tenir le même discours. On peut y ajouter le secrétaire général de la CFDT, le premier syndicat de France, Laurent Berger, mi-mars, qui a plaidé pour un "impôt exceptionnel". Et puis souvenez-vous, en juillet, 83 millionnaires avaient appelé dans une tribune, "à augmenter les taxes des gens comme nous. Immédiatement, substantiellement et de manière permanente". Le consensus est donc très large.

Mais alors qu'est-ce que cela signifie? Concrètement, "Il y a deux projets : on récupère une partie importante des profits des entreprises (du numérique) ou on revoit fortement la taxation des entreprises" expliquait ce vendredi matin, Henri Sterdyniak, économiste, membre du collectif "Les économistes atterrés", sur RMC. 

"Taxer les plus riches" cela veut dire deux choses: augmenter l’impôt des personnes les plus aisées, de manière temporaire, pour surmonter la crise. L'Argentine le fait par exemple depuis deux mois, et le Premier ministre canadien dit y réfléchir.

"Un tournant dans l'évolution des taux d'imposition"

Autre "détail" important: cela signifie aussi davantage taxer les entreprises les plus rentables, et cela pourrait être pérenne et non provisoire. Les Etats-Unis viennent de le décider: pour financer son plan d’investissement de 2.000 milliards de dollars, Joe Biden a décidé de faire passer l’impôt sur les sociétés de 21 à 28% en huit ans. 

Selon Henri Sterdyniak face à Apolline de Malherbe, "On peut espérer avoir en 2021 un tournant dans l'évolution des taux d'imposition".

"Avec la crise on a eu une forte hausse des déficits publics et il faut trouver un moyen de les réduire sans frapper la masse des gens, donc en frappant les plus riches, les plus grandes entreprises. On est de plus en plus dans une situation déséquilibrée avec des entreprises beaucoup plus riches que certains états, comme les GAFA". 

Une taxe provisoire pour se remettre du Covid, qui passerait par une surtaxe des entreprises, aurait du sens en particulier pour les entreprises ayant fait davantage de bénéfices pendant la crise, a-t-il dit, en référence à des géants comme Amazon. Mardi, le patron d'Amazon, Jeff Bezos, avait assuré qu'il soutenait l'idée d'une hausse des impôts sur les sociétés aux Etats-Unis. Le président Joe Biden avait dénoncé la semaine dernière le fait que le groupe ne paye pas de taxe sur ses bénéfices.

Plus de 1.000 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires pourraient être générées d'ici 2025 à l'échelle mondiale si tous les pays parvenaient à maîtriser la pandémie plus tôt que prévu.

Louis Amar et Xavier Allain