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Don du sang: cette révolution qui pourrait permettre de remédier aux pénuries

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Des chercheurs travaillent sur un sang artificiel capable de s’adapter à tous les groupes sanguins. Une avancée qui pourrait révolutionner la médecine d’urgence et pallier les pénuries de dons.

C'est un problème médical récurrent: les pénuries de collecte de sang. Une innovation technologique pourrait complétement changer la donne : des chercheurs japonais ont mis au point un sang synthétique, compatible avec tous les groupes sanguins

À partir de cette semaine, les critères pour les dons sont assouplis, avec notamment une réduction du délai pour pouvoir donner son sang après avoir fait un tatouage ou un piercing de 4 à 2 mois. Ça aide, mais ça ne suffit pas, alors que l’établissement français du sang alerte régulièrement sur le manque de donneurs. La révolution à venir : Et si on pouvait fabriquer du sang à la demande, en laboratoire ?

C’est ce sur quoi travaillent notamment les chercheurs de l’université de Nara au Japon. Ils ont mis au point un sang synthétique, compatible avec n’importe quel groupe sanguin, sans avoir besoin de faire un test de compatibilité. Pour fabriquer ce sang synthétique, les chercheurs partent de poches de sang périmées (puisqu’elles ont une date de péremption), dont on va récupérer l’hémoglobine, l’élément utile du sang, la protéine qui transporte l’oxygène vers les organes.

Pas de rejet possible, pas d'infection...

Cette hémoglobine, on va l’encapsuler dans des toutes petites bulles de graisse qui ne portent aucun groupe sanguin. On se retrouve avec une substance qui peut remplacer le sang pour apporter de l’oxygène aux organes comme le font les globules rouges. Mais qui n’a pas de globules blancs ni de plaquettes. Donc c’est une solution transitoire, mais qui va parfaitement faire le job en cas d’accident par exemple avec une forte perte de sang qu’il faut combler tout de suite.

Les avantages sont multiples : un sang universel, pas de rejet possible, pas d’infection possible. Mais aussi une durée de vie beaucoup plus longue, puisque ce sang artificiel, on peut le conserver deux ans à température ambiante et 5 ans au frigo. Contre 40 jours au frigo avec des dons du sang classiques !

Mais du coup c’est déjà utilisé ? On est encore en phase de tests, mais les résultats sont très prometteurs : en mars, des doses de 400 ml ont été injectées à des patients volontaires. Sans effets secondaires ni réaction immunitaire. Les essais vont se poursuivre avant une autorisation de mise sur le marché qui pourrait arriver autour de 2030. Ce qui est intéressant au-delà de cet exemple, c’est que le champ de recherche du "sang synthétique" est bouillonnant.

Estelle Denis donne rendez-vous aux auditeurs de RMC et téléspectateurs de RMC Story pour son talk-show d’opinions et de débats. Toujours accompagnée de Fred Hermel, Emmanuelle Dancourt, Périco Legasse, Estelle Denis et sa bande s’invitent à la table des Français pour traiter des sujets qui font leur quotidien. « Estelle Midi », c’est de l’actu, des débats, des coups de gueule, des coups de cœurs, des infos et un zapping des meilleurs moments entendus sur RMC.
On n'arrête pas le progrès : Un sang artificiel compatible avec tous les groupes sanguins - 03/09
2:55

Des chercheurs britanniques ont par exemple transfusé des humains avec du sang de synthèse, là encore fabriqué, ou plutôt cultivé en laboratoire mais avec une technique un peu différente. On part d’un don de sang classique. Et ce sang, on va le "multiplier" si l’on peut dire. On prend, dans cet échantillon, des cellules souches sanguines, puis on va les cultiver in vitro pour les transformer en globules rouges.

En 3 semaines, on va transformer 500.000 cellules souches en 50 milliards de globules rouges, qu’on va ensuite pouvoir transfuser. En clair, avec un peu de sang, on fabrique beaucoup de sang. On parle souvent des pénuries de dons du sang, les réserves qui sont trop basses à certaines périodes de l’année – il faut 10 000 dons par jour en France. Surtout pour les groupes sanguins les plus rares.

Il existe des groupes sanguins extrêmement rares (au-delà des ABO, qui représentent 98 % des besoins en sang), 250 sont identifiés, moins de 4 personnes sur 1000 pour chacun, et ça veut dire qu’il n’existe pas d’autres groupes sanguins compatibles pour les transfuser. En tout, ça concerne 700 000 personnes en France, dont la majorité ne sont pas au courant. Donc on comprend bien l’intérêt que représente le fait de pouvoir fabriquer du sang à la demande.

Technologie onéreuse

Ça veut dire qu'on pourrait potentiellement produire du sang de manière illimitée ? Pourquoi on ne s’y met pas tout de suite ? Parce que cette technologie coûte aujourd’hui très cher. Et ce sont de véritables usines de production qui sont nécessaires, même si on peut espérer que, comme pour toute innovation, les prix soient divisés d’ici quelques années (cf. décodage de l’ADN, qui coûtait des millions et qu’on peut maintenant réaliser pour quelques centaines d’euros). De nombreuses startups se sont lancées.

Comme les Français Erypharm ou Hemarina, qui utilisent pour fabriquer leur sang artificiel des vers marins, dans lesquels on trouve une molécule qui présente plus de 90 % de similarité génétique avec l’hémoglobine humaine. Plein de pistes très intéressantes à explorer, même si ça prend du temps. Bref, on n’est pas encore tout à fait prêts à fabriquer du sang comme on imprime une feuille de papier. Mais on s’en rapproche. Et le jour où ce sera possible, ce sera une révolution pour la médecine d’urgence, les hôpitaux.

Anthony Morel