La solution pour le déconfinement est-elle le traçage numérique des Français?
Comment sortir du confinement tout en évitant une deuxième vague de contamination? C'est le dilemme auquel est confronté le gouvernement. Différentes pistes sont actuellement étudiées par l'exécutif.
Depuis 15 jours, le secrétaire d'Etat au numérique procède à un audit sur les moyens technologiques qui pourraient aider au déconfinement. L'une des pistes étudiées : le "tracking", ou le traçage en français. Utiliser les données de nos smartphones pour nous éviter le contact avec les malades.
La France s'active ainsi au développement d'une application sur smartphone, utilisable "sur la base du volontariat" et non obligatoire. Objectif simple: identifier les personnes ayant été contact avec une personne infectée par le coronavirus et retracer le parcours du virus.
Ce projet, baptisé "StopCovid", vise à "développer une application qui pourrait limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission", explique Cédric O. "L'idée serait de prévenir les personnes qui ont été en contact avec un malade testé positif afin de pouvoir se faire tester soi-même, et si besoin d'être pris en charge très tôt, ou bien de se confiner". "Aucune décision n'est prise" sur un éventuel déploiement de cette application sur laquelle planche l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) depuis plusieurs jours.
Dans certains pays, cette technologie est déjà active. Français installé à Singapour, Guillaume a volontairement téléchargé l'application de traçage sur son téléphone. “Il y a environ deux semaines. Le jour où ça a été mis à la disposition du public”, explique-t-il.
Comme lui désormais près d'un habitant de Singapour sur 5 utilise l'application du gouvernement. Une application qui permet pour lutter contre la diffusion du coronavirus.
“Elle est en route sur mon téléphone, elle enregistre mes déplacements et surtout elle enregistre les autres utilisateurs qui m’approchent à moins d’un mètre. Donc le ministère de la Santé peut me prévenir que tel jour à telle heure un autre utilisateur était près de moi et était positif”, détaille-t-il.
Un risque pour la protection des données?
Comme à Singapour, le gouvernement français veut s’appuyer sur la technologie Bluetooth, qui permet à nos smartphones d'identifier des appareils à proximité (écouteurs, enceintes, imprimantes...) qui n’enregistre pas tous les déplacements contrairement aux données GPS.
"Ces données sont déjà disponibles. Elles sont mises à disposition par les opérateurs télécoms. Sur cet aspect de Bluetooth, l’information existe. Elle pourrait être mise à disposition pour savoir si des téléphones, et par extension des personnes, ont été dans une proximité sociale”, indique Philippe Mannent, spécialiste des nouvelles technologies au cabinet BearingPoint.
L'application, qui pourra être "désinstallée à tout moment", assure Cédric O, ne géolocalisera pas les personnes. "Elle retracera l'historique des relations sociales qui ont eu lieu dans les jours précédents, sans permettre aucune consultation extérieure, ni transmettre aucune donnée", explique-t-il. "Lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l'un enregistre les références de l'autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique".
Même si la technologie Bluetooth est l'une des moins invasive, ce type d'outil comporte des risques pour la liberté, dénonce Benoit Piédallu, membre de la quadrature du net.
“Dire à la population, ‘on va vous tracer, mais c’est pour votre bien’, utiliser le choc du confinement, des morts, de l’épidémie et puis ensuite une fois que la crise est passée, conserver cette possibilité dans le droit commun. Ca, c’est aussi un risque”, appuie-t-il.
Sans se montrer opposée à un tel dispositif, la Commission nationale de l'informatique et des libertés rappelle la loi interdit aujourd'hui de rendre cette application obligatoire pour tout le monde. Selon Olivier Véran, "StopCovid" est "compatible avec le droit européen des données personnelles, avec des données anonymisées". "Personne n'aura accès à la liste des personnes contaminées, et il sera impossible de savoir qui a contaminé qui. Le code informatique sera public" et la CNIL est "étroitement" associée aux travaux.