"Le médecin m'a mis de force dans une pièce": maltraitances, manque de moyens... La psychiatrie en crise

Le secteur psychiatrique nécessite une réponse urgente, coordonnée et ambitieuse, alerte le Comité consultatif national d'éthique. Alors qu'environ un Français sur cinq est touché au cours de sa vie par une maladie psychiatrique et que l'exécutif a fait de la santé mentale sa grande cause nationale de 2025, l'organisme tire la sonnette d'alarme.
Conditions d'accès dégradées, pénuries de moyens, inégalités territoriales, difficile respect des droits fondamentaux des patients... Le système psychiatrique français traverse une grave crise selon les acteurs du secteur.
Beaucoup de patients décrivent des pratiques de maltraitances. C'est le cas de Coline. Quand elle sent monter en elle une de ses crises de schizophrénie, elle sait ce qu'il faut faire: se rendre à l'hôpital. Mais la dernière fois, la prise en charge ne s'est pas passée comme d'habitude. Ce jour-là, elle demande au psychiatre une admission de son plein gré.
"Le médecin m'a mis de force dans une pièce en me disant 'vous devez ingurgiter ce produit sédatif, vous n'avez pas le choix, vous êtes sous contrat, vous êtes obligé de respecter'. Ils n'ont pas le droit. J'avais sollicité de moi-même mon entrée", raconte-elle. Tétanisée, elle suit de force les soignants.
"Dans cette pièce, il y a un lit à contention. J'ai passé la nuit comme ça entre 8 et 12 heures. Maintenant, je refuse d'aller à l'hôpital parce qu'il y a eu ces mauvaises prises en charge."
Pourtant, la contention n'est possible qu'en cas d'isolement. Ces deux états ont normalement des durées très limitées, et normalement les soignants doivent y avoir recours qu'en dernier lieu. Dans les faits ce n'est pas le cas. Les mesures d’isolement et de contention mécanique sont des "décisions de dernier recours" censées, selon la loi, répondre à un "danger de dommage immédiat ou imminent".
Plus de 8.000 personnes soumises à des contentions en 2022
Ces mesures ne sont pas respectées selon les associations de proches de malades. Ces dernières et une partie des professionnels de la psychiatrie n'hésitent pas à vivement critiquer leur usage à cause des effets délétères qu'il peut avoir sur la santé des patients.
En France, plus de 8.000 personnes ont été hospitalisées sans leur consentement au sein de services psychiatriques et ont été soumises à des contentions mécaniques en 2022, selon le dernier bilan de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes).
Ces pratiques abusives, Claudette en tient tout un registre. Récemment, elle a porté plainte car les droits de son fils, Michel, admis en soins psychiatriques "sont bafoués sans cesse". Il a, par exemple, selon elle, passé 34 jours consécutifs à l'isolement.
"Je l'ai retrouvé, il ne tenait plus debout. Il m'a dit 'j'ai été obligé de me faire dessus, maman sort moi d'ici' parce qu'il a peur de mourir", témoigne-t-elle.
Cette maltraitance, nombre de soignants français la reconnaissent et ils s'interrogent: faute de moyens comment ne pas faire de faute professionnelle.