Législatives dans la vallée de l'Arve: "La population tousse, étouffe, mais les élus ne bougent pas"

Manifestation contre l'augmentation du trafic des poids lourds responsable d'une hausse de la pollution, dans la vallée de l'Arve, en 2005 (photo d'illustration) - AFP
Le Dr Frédéric Champly a 46 ans, il est candidat citoyen aux législatives dans la 6e circonscription de Haute-Savoie. Il est chef des urgences des Hôpitaux du Pays du Mont-Blanc, qui regroupent notamment les hôpitaux de Chamonix et de Sallanches, dans la vallée de l'Arve.
"Il y a deux ans j'ai constaté une affluence inhabituelle de patients, surtout jeunes, aux urgences en période de pics de pollution, fréquentes l'hiver dans notre vallée. C'est là que j'ai découvert la problématique que je n'avais pas mesurée jusque-là, cette corrélation entre la surfréquentation des urgences l'hiver et la mauvaise qualité de l'air que nous respirons. Nos taux de polluants sont très élevés tout au long de l'année mais avec des pics majeurs l'hiver. On a une chape grisâtre et bleue au-dessus de la tête tout l'hiver. Notre vallée est la plus polluée de France et une des plus polluées d'Europe. Les sources d'émissions sont le résidentiel, l'industrie et le routier, auxquelles s'ajoutent le problème de dispersion de la pollution lié à la géographie des lieux, une vallée très encaissée.
Pendant les pics de pollution, les enfants passent leur temps à tousser avec des toux sèches, ne dorment pas et leurs parents viennent nous voir aux urgences en expliquant que c'est normal puisqu'il y a un pic. C'est comme ça que je suis entré dans ce combat, ce sont les parents qui m'ont sensibilisé à ça. Que les gens en arrivent à poser le diagnostic, s'organiser pour ne pas laisser sortir leurs enfants mais que les pouvoirs publics n'en parlent même pas et ne proposent pas de solutions, il y a un problème.
"Le élus ne bougent pas: il y a une manne touristique à protéger"
L'année dernière nous avons traversé une période effroyable de pollution de 35 jours où les enfants ne respiraient plus, étaient confinés dans certaines écoles. Une période d'urgence sanitaire. La mobilisation citoyenne dans la vallée est montée crescendo mais les élus n'ont pas bougé parce qu'il y a une manne touristique à protéger et qu'il ne faut pas faire de vague. On s'était pourtant dit qu'avec la mobilisation des citoyens, les élus allaient finir par nous écouter et agir, au moins pour protéger leur siège. Mais on s'est rendu compte au final que les élus avaient adopté des postures pour juste pour calmer les gens, mais qu'il n'y a rien eu de concret de proposé.
Les élus ne veulent pas bouger pendant que la population tousse, voire étouffe. Je sais que les élus locaux ont des leviers assez faibles - ce n'est pas sur la commune qu'on décide de gérer le transport au niveau de la vallée et de ses 41 communes, c'est la région qui régit ça. Mais les élus locaux sont dans une espèce de stupeur, disent qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose, et refusent même les mesures d'urgence que nous, médecins, nous demandons depuis trois ans, à savoir qu'en période de pic de pollution des arrêtés soient pris pour que les enfants de maternelle n'aillent plus en récréation pour ne pas courir.
"Il faut redonner du pouvoir aux gens de terrain "
Même ça, les élus locaux refusent de le faire, même à leur niveau il y a une espèce de volonté de ne pas en parler. Bien sûr que les élus locaux ne sont pas responsables de la situation, mais en haut comme en bas de la chaîne on se rend compte que personne ne bouge. 250 médecins ont écrit au président de la République François Hollande pour faire bouger les choses, mais nous n'avons pas eu de réponse, alors que ce problème tue 50.000 personnes par an en France. On veut pouvoir respirer un air qui ne nous tue pas, boire de l'eau qui ne nous tue pas et manger autre chose que de la merde (sic) avec des pesticides.
Face au manque de volonté politique, il n'y avait qu'une candidature citoyenne comme la mienne pour faire bouger les choses. Je fais partie des gens qui pensent qu'il faut redonner clairement du pouvoir aux gens de terrain, de la société civile, qui chacun ont des compétences dans leur domaine et des solutions concrètes. Mais on est dans un pouvoir centralisé à Paris avec des technocrates qui décident des lois. La qualité est sur le terrain, il faut donner du pouvoir aux gens de terrain et si on ne nous le donne pas il faut le prendre."
Les autres candidats de la 6e circonscription de Haute-Savoie:
Karam Aoun (FN); Pierre Biguet (LVS); Sylvia Brianceau (FI); Frédéric Champly (SE); Catherine Derrien (LO); Sophie Dion (LR – UDI); Sébastien Ducrot (UPR); Charles Hedrich (DVD); Xavier Roseren (REM); Amélie Sarlin (DEF); Jacques Venjean (EELV).