Nous voulons que la nudité ne soit plus considérée comme de l'exhibition sexuelle

Ce lundi 5 juin se déroule la 11ème édition de la journée mondiale du naturisme - AFP
Jacques, 62 ans, vice-président de l'association APNEL (Association pour la Promotion du Naturisme En Liberté):
"L'idée de la nudité m'est venu très petit. Dès l'enfance, j'interrogeais mes parents pour savoir pourquoi on mettait un maillot de bain pour aller dans l'eau alors que l'on se douche nu. Mes parents ne m'ayant pas fourni d'explications suffisamment claires, j'ai certainement fait une fixation sur le problème de la nudité. Autre explication à mon penchant au naturisme, je suis mal à l'aise dans un vêtement, en particulier au niveau de la ceinture. Je préfère ne rien avoir sur la peau. Du coup, dans les faits, je pratique le naturisme depuis mes 16-17 ans.
A l'époque, j'avais pris une carte inter-rails pour visiter l'Europe et, en Suède, j'ai été surpris de voir que les gens se douchaient tous ensemble, nus. Ce qui m'a beaucoup plus. En rentrant en France, je suis donc allé dans mon premier centre pur naturistes, à Carrières-sur-Seine, à quelques kilomètres de Paris. Mais, au bout d'un moment, j'en avais marre de me sentir enfermé, de ne pas pouvoir communiquer sur le naturisme. Cela me paraissait un peu anachronique. Je ne voulais plus le pratiquer seulement enfermé dans des espaces clos. La nudité dans l'espace public est tout à fait évidente pour nous. C'est pourquoi, cette association a été lancée.
"La nudité est une forme d'art"
Personnellement, je pratique le naturisme en famille, avec mes trois enfants, et entre amis. Nous avons beaucoup pratiqué le naturisme sauvage, notamment en Espagne. Mais ça n'a pas été facile. Il y a des moments où franchement on se sentait ostracisés. Dès lors, avec les autres membres de l'association, nous voulons montrer qu'il s'agit d'une pratique saine et sociale. La preuve, aujourd'hui, nous randonnons avec des personnes qui ne sont pas naturistes. Nous voulons que la nudité ne soit plus considérée comme de l'exhibition sexuelle.
La loi, datée de 1994, dit que 'l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui est punie d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende'. Or, nous considérons que la nudité est loin d'être de l'exhibition sexuelle. C'est une forme d'art, la preuve avec les tableaux de nu, mais aussi un moyen de manifester, de faire passer des messages. Dans les autres pays européens, la simple nudité n'est pas pénalisée. Il faut avoir intention de nuire à autrui, de lui faire peur pour que cela soit considéré comme de l'exhibition sexuelle. Le naturisme, lorsqu'il croise quelqu'un, ne va pas imposer sa nudité, même s'il sait qu'il est dans son droit. Il va demander s'il dérange. Si c'est le cas, il se rhabille. Le but n'est pas de gêner les autres, le but est d'être bien nous-mêmes.
"Le naturisme est censuré sur les réseaux sociaux"
Les naturistes ont encore peur de dire qu'ils le sont. Pour eux, c'est 'pour vivre heureux, vivons cachés'. Avec notre association, nous essayons de dire l'inverse: pour vivre heureux, médiatisons notre manière de vivre de façon à la partager et la sécuriser. Et, pour arriver à nos fins, faire connaître nos revendications, nous multiplions les journées d'action. Ce lundi, par exemple, nous avons organisé une journée de randonnée en forêt avec des personnes qui restent habillées.
Ce qui n'est pas évident car le naturisme est terriblement censuré les réseaux sociaux. Si vous laissez un message indiquant qu'une randonnée mixte est organisée tel jour à telle heure, vous pouvez être sûr qu'il est supprimé dans les cinq minutes. Ce qui est surprenant c'est que la nudité, le naturisme est proscrit mais pas la violence. Ce qui est anachronique dans nos sociétés qui disent développer le bien-vivre ensemble.
"Nous mettons en avant la beauté du corps humain et non sa sexualité"
Il faut bien comprendre que le naturisme n'a rien à voir avec ce qui se passe au Cap d'Agde. Or c'est le cas dans l'imaginaire des gens et nous en souffrons. De même, le naturisme ce n'est pas du libertinage. Le naturisme est une pratique essentiellement familiale. Nous sommes un peu des œuvres d'art qui nous nous promenons dans la nature. Nous mettons en avant la beauté du corps humain et non sa sexualité.
Ces dernières années, je sens toutefois que les mœurs ont évolué et je dis à ceux qui ont encore des préjugés sur notre pratique: 'Essayez!' Pour être sûr de son opinion, il faut essayer les choses. Etre naturel est ce qu'il y a de plus naturel finalement. En l'essayant une fois, ne serait-ce qu'à la piscine, on s'aperçoit vite qu'enlever même un tout petit bout de tissu donne un sentiment de bien-être et de liberté inimaginable pour qui n'a pas pratiqué".