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Maladie d'Alzheimer: "On ne va pas trouver un traitement la semaine prochaine, mais.."

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La maladie d'Alzheimer, dont c'est la journée mondiale ce jeudi, touche environ 800.000 personnes en France. Si un vaccin n'est pas à envisager dans les années à venir, les symptômes de la maladie peuvent être retardés. Le point avec Bernard Croisile, chef du service de neuropsychologie aux Hospices civils de Lyon et auteur de "Alzheimer – Que savoir, que craindre qu'espérer?".

Bernard Croisile est chef du service de neuropsychologie aux Hospices civils de Lyon et auteur de "Alzheimer – Que savoir, que craindre qu'espérer?".

"C'est une maladie qui fait peur. Si la crainte dans le cancer, c'est la douleur, pour la maladie d'Alzheimer, c'est la peur de perdre son identité et sa personnalité. C'est une peur épouvantable.

On peut faire un diagnostic précoce de la maladie, mais le dépistage est très compliqué parce qu'il faudrait qu'on dispose d'un système peu onéreux qui nous permette de repérer une maladie à grande échelle sur toute la population, alors qu'elle n'existe pas cliniquement. Donc faire un dépistage, ce n'est pas possible scientifiquement et financièrement.

Le plus souvent, c'est la mémoire qui est le point de départ avec des plaintes spécifiques et invalidantes. Quelqu'un qui oublie les noms propres ça ne nous inquiète pas. En revanche, quand on doit répéter plusieurs fois la même information, c'est assez spécifique et nous avons des moyens de faire le diagnostic. Mais dans 11% des cas, la maladie ne commence pas par des problèmes de mémoire.

"Pas de vaccin préventif contre la maladie"

Il n'existera pas de vaccin pour prévenir la maladie. Il s'agit en fait d'immunothérapie, qui est un vaccin curatif. Ça existe depuis plus d'une dizaine d'années, il y a eu plusieurs essais. Tous ces essais se sont effondrés parce qu'on les a réalisés sur des patients déjà malades et on s'est rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Donc on en est à envisager des immunothérapies chez des personnes qui n'ont pas de symptômes mais qui auraient déjà la maladie. Car la maladie s'installe 15 ans avant les troubles. Le problème c'est qu'il faut identifier ces personnes et c'est compliqué sans dépistage. L'immunothérapie à grande échelle, c'est compliqué à envisager pour l'instant. Il faudrait des campagnes de détection avec des outils dont on ne dispose pas.

Il faut donc essayer de trouver des traitements avant l'apparition des troubles et c'est là où ça devient extrêmement compliqué. On progresse vraiment lentement. Il ne faut pas penser que l'on va trouver un traitement la semaine prochaine.

De même que dans le cancer, il y a des trithérapies, dans la maladie d'Alzheimer, on envisage un seul axe de traitement alors qu'un jour, il faudra peut-être combiner des axes de traitement. Faire des essais sur un seul médicament ce n'est déjà pas simple, mais quand on combine plusieurs traitements c'est plus difficile.

"Le carré d'as pour repousser les symptômes"

On peut avoir des actions préventives contre la maladie. C'est ce que j'appelle le carré d'as: le régime méditerranéen, l'exercice et l'activité physique, éviter d'avoir des facteurs de risque cardiovasculaires - diabète, cholestérol - et la stimulation cognitive. On sait que la combinaison de tout ceci peut avoir des effets positifs. Une étude américaine a montré qu'en 30 ans on avait réduit de 44% le risque de démence et de maladie d'Alzheimer. On ne supprime pas la maladie mais on va en repousser l'apparition des symptômes. C'est encourageant.

En 30 ans, et notamment avec le plan Sarkozy, j'ai vu l'évolution des techniques de diagnostic, des prises en charge, d'aide aux aidants. Il y a quand même eu une mobilisation importante. Le problème c'est la recherche où il y aurait 8 fois moins d'argent pour la maladie d'Alzheimer que pour le cancer. Mais on progresse.

Je ne suis pas optimiste à 5 ans, mais à 15 ans. Le problème c'est qu'on est tous très impatients. C'est une maladie très compliquée, avec des interactions de différents processus biologiques. C'est donc beaucoup plus complexe de trouver des médicaments".

Propos recueillis par Paulina Benavente