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"Mon père ne savait pas qu'il avait une fille": faut-il légaliser les tests ADN récréatifs en France?

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La présidente de l'association DNApass, Nathalie Jovanovic-Floricourt, a défendu, vendredi sur RMC, l'autorisation des tests ADN récréatifs, qui sont interdits en France depuis 1994. Une législation qui pourrait prochainement évoluer selon nos informations. Des Français témoignent de cette expérience qui a changé leur vie.

Les tests ADN récréatifs, vendus sur internet, attirrent un public de plus en plus grand, pourtant ils sont interdits en France depuis 1994. Depuis deux ans, les laboratoires étrangers n'ont même plus le droit de livrer leurs kits sur le territoire français. Ceux qui veulent s'y prêter souhaitent souvent retrouver leurs origines et identifier, parfois, des membres de leur famille.

"L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique", précise l'article 16.10 du Code civil. Les personnes réalisant un test récréatif s'exposent à une amende de 3.750 euros.

Un droit fondamental?

La présidente de l'association DNApass Nathalie Jovanovic-Floricourt, plaide, vendredi dans Estelle Midi, pour "l'encadrement des tests pour un usage personnel". "Il faut rappeler que nous avons signé la convention de La Haye en 1994, qui édicte que le droit de connaître ses origines est un droit fondamental", ajoute la généalogiste.

"Ça participe à la construction de l'identité de toute personne. C'est un droit fondamental que la France ne respecte pas", insiste-t-elle.

Ces tests d'ADN ont permis à certaines personnes de découvrir des membres de leur famille. C'est le cas de Virginie, 59 ans, qui n'avait jamais connu son père biologique. "Par pur hasard, deux mois après mon test, mon père biologique a fait un test aussi pour s'amuser. Ça a matché. On n'habitait pas très loin. On s'est rencontrés et il ne savait pas qu'il avait une fille", explique-t-elle.

Un besoin de réponses

Aujourd'hui, Virginie n'a pas de regret. Ce test lui a été utile car elle avait "besoin de mettre un visage et un nom". "Malheureusement, je n'arrive pas à créer de lien, mais au moins je sais qui il est. J'avais besoin de ça pour me reconstruire", confie-t-elle au micro de RMC.

Faut-il autoriser les tests ADN récréatifs ? - 18/04
Faut-il autoriser les tests ADN récréatifs ? - 18/04
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Les tests d'ADN devraient notamment être ouverts aux personnes "nés sous X", estime la présidente de l'association DNApass Nathalie Jovanovic-Floricourt. "C'est vraiment vital, c'est une quête existentielle", réclame-t-elle. Adopté dès son plus jeune âge, Eric n'a pas connu ses parents biologiques. "Je me regardais dans la glace en me demandant de quelle origine j'étais", se souvient-il.

Après avoir fait son test, Eric a obtenu un retour "en deux mois même pas". "J'ai pu voir que j'avais beaucoup d'origines. Principalement italiennes et espagnoles, mais aussi une bonne partie sur l'Asie de l'ouest avec l'Afghanistan et la Turquie", se réjouit aujourd'hui Eric, qui avait "besoin de réponses à apporter".

Vers une autorisation ?

Mais ces tests posent principalement des problèmes d'éthiques. Le premier argument avancés par les partisans de leur interdiction est le risque de "révélations inattendues au sein des familles". Autre soucis, la fiabilité. C’est pour cette raison qu’en 2020, lors de la révision de la loi de bioéthique, les parlementaires ont préféré maintenir l’interdiction de ces tests ADN, en raison notamment d’incertitudes concernant la fiabilité des résultats.

Enfin, la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) pointait du doigt l'an dernier le "peu de garanties" sur la sécurité des données et le risque de "compromission". Une des entreprises majeures du secteur, 23andMe, aux États-Unis, a subi un piratage qui avait affecté les données de millions de clients.

Mais malgré toutes ces craintes, la loi pourrait évoluer et autoriser ces tests. D’après les informations de RMC, le Comité national d'éthique, jusque-là plutôt réticent à cette autorisation, prévoit d'en faire un des sujets majeurs des "États généraux de la bioéthique" à l'automne prochain. L'Académie nationale de médecine va aussi travailler sur ces tests ADN. Un groupe de travail va être lancé dans les prochaines semaines.

Tanguy Roman Clavelloux