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"On passe pour des assassins", regrettent les bouchers face aux recommandations anti-viande

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- - Gérard Julien - AFP

Après l'OMS en octobre 2015, c'est l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) qui recommande désormais de manger moins de viande et de charcuterie. Florence Vignal, présidente du syndicat des Bouchers-Charcutiers- Traiteurs de Lozère, dénonce sur RMC.fr une nouvelle attaque contre sa filière.

Florence Vignal est la présidente du Syndicat des Bouchers-Charcutiers – Traiteurs de Lozère.

"On est victimes du lobby des végétariens et de toutes les associations vegans qui n'ont comme seul but que de détruire des filières entières d'élevage et de transformation. Nous, les charcutiers et bouchers, nous sommes des assassins en puissance. Délibérément tous les matins on se lève pour tuer des gens. Comme les constructeurs automobiles, d'ailleurs: quand les gens roulent trop vite, c'est de la faute des constructeurs. Je rigole, mais tous ces débats sont terribles pour nous et fragilisent une filière qui va déjà mal, alors que nous valorisons des productions de qualité, prônant une agriculture raisonnée, et privilégiant la qualité plutôt que la quantité. Pourtant, au final, on se fait attaquer de toute part.

Nos métiers sont beaux, créent des emplois et de la richesse, et on a l'impression qu'on nous jette la pierre. Sitôt que la filière se redresse un tout petit peu, c'est un nouveau scandale dans les abattoirs, c'est une nouvelle étude de l'OMS avec des données recueillies sur des élevages américains pour la plupart. On est vraiment les boucs émissaires.

Les gens, à force, quand on leur répète sans cesse que manger de la viande ou de la charcuterie c'est mauvais, que des associations vegans tournent des clips vidéos pour les adolescents, ça inquiète le consommateur. On entend leur questionnement en magasin et certains clients nous disent qu'ils ne mangent plus de viande. On constate que les gens se tournent vers d'autres formes d'alimentation. Sauf que l'homme est aussi carnivore et il a besoin de viande pour son équilibre alimentaire. Des filières économiques vont être dévastées et ça nous inquiète.

"Nos aïeuls mangeaient de la charcuterie tous les jours et vivaient vieux"

En bon artisan-boucher, je dirais qu'il n'est pas obligatoire de manger de la viande tous les jours. Nos aïeuls d'ailleurs n'en mangeaient pas tous les jours. Par contre ils mangeaient de la charcuterie quotidiennement et ils vivaient très vieux. On peut réduire sa consommation, mais il faut surtout mieux manger et privilégier des produits de qualité. La charcuterie fabriquée en grande quantité fait qu'on mange souvent des produits qui ne sont pas sains: la matière première n'est pas de qualité, et on y ajoute des additifs. Dans ces études, on met toujours en avant la matière première mais jamais les additifs.

Au final, c'est comme du chocolat: c'est très bon d'en manger une barre, mais avec trois tablettes vous êtes malades. C'est comme l'alccol, un verre c'est agréable, mais une bouteille ça rend malade. C'est l'excès qui est mauvais, et l'excès de consommation qui engendre la production de produits de moins bonne qualité. On réduit les coûts de production et on mange des saloperies, et c'est ça qui rend malade.

Je ne crache pas sur l'industrie agroalimentaire, mais on est sur des modes de production et de consommation complètement différents entre l'industrie agroalimentaire et les filières artisanales. Je comprends qu'une famille de cinq ne peut pas s'acheter tous les jours du saucisson artisanal, mais il faut réduire sa consommation et se tourner vers des produits plus sains issu de l'artisanat".

Propos recueillis par Philippe Gril