Perturbateurs endocriniens: "la Commission européenne est au service des lobbies"

- - AFP
François Veillerette est président de l'ONG Générations Futures:
"Il y a 4 ou 5 ans, quand on parlait de perturbateurs endocriniens, on nous regardait bizarrement. Aujourd'hui, les gens comprennent que c'est un problème de santé majeur, les politiques s'en emparent. On aboutit à un paradoxe car la Commission européenne fait comme si de rien n'était. Elle reprend le langage et les thèses de l'industrie de manière éhontée, ce n'est absolument pas sérieux. On n'imagine pas que l'on puisse adopter des critères qui excluent peu d'additifs chimiques alors même que tout le monde sait qu'il y a un problème de santé majeur.
Tout part du règlement voté en 2009 sur les pesticides et les biocides. Le 'règlement pesticide' était clair: la Commission européenne devait définir des critères scientifiques pour lister les perturbateurs endocriniens qui devaient être exclus. Cela devait être fait pour le 14 novembre 2013.
"Les propositions de la Commission ne protègent pas suffisamment les populations"
La Commission a pris énormément de temps avant de commencer à formuler des propositions, tellement de temps, qu'elle a largement dépassé ce délai. En 2013, elle a donc été attaquée en justice par la Suède et la France pour non-application des règlements. Elle a été condamnée, donc elle a commencé l'an dernier à faire des propositions de critères. Ces propositions de critères sont mauvaises, elles n'ont toujours pas été adoptées. Et aujourd'hui encore, ça a été refusé.
Ce qui est terrible, c'est que la Commission sait bien qu'elle n'arrivera pas à avoir une majorité sur des propositions qui sont mauvaises car elles ne protègent pas suffisamment les populations. Mais elle continue malgré tout à ne pas proposer ce qu'il faut, c’est-à-dire éliminer les substances qui méritent de l'être. Aujourd'hui avec les critères proposés par la Commission, il n'y aura rien qui sortira. Un règlement a été voté, il est bon, mais les critères étant mauvais ça n'exclura presque aucun perturbateur endocrinien, c'est scandaleux et anti-démocratique.
La seule solution pour que ça passe, c'est que la Commission propose des critères qui soient protecteurs de la santé publique dans l'esprit du règlement de 2009.
"C'est hallucinant et illégal"
Les grands groupes défendent leurs intérêts, on peut le regretter mais il y a une certaine logique. Ce qui est illogique, c'est que la Commission européenne ne soit pas au service plein et entier de la santé publique, continue à défendre l'indéfendable et finalement serve mieux les intérêts de ces grands groupes que les intérêts du public. Il faut bien sûr prendre en compte la nécessité de la production agricole mais d'abord la santé publique. C'est hallucinant, c'est même illégal.
Ce qui est anormal c'est la position de la Commission européenne qui est au service des lobbies au lieu d'être au service de l'intérêt général. Il faut que les Etats membres fassent pression pour que ça change.
Il faut maintenant que la France, et Ségolène Royal en tête, aille prendre son bâton de pèlerin pendant le temps qu'il lui reste pour convaincre d'autres pays de voter non. Il faudrait qu'ils s'alignent sur la position française qui a une position de chef de file avec la Suède et le Danemark. Il faut que Ségolène Royal sorte des frontières françaises pour aller convaincre ses collègues et là ça changera les choses".