Résistance aux antibiotiques: la crainte d’un fléau qui ferait 10 millions de morts par an

La consommation d’antibiotiques a encore augmenté l’an dernier et cette augmentation inquiète les autorités sanitaires. Elle entraîne une résistance aux antibiotiques qui pourrait devenir un véritable fléau. Et c’est pour cela que les antibiotiques, ce n’est pas automatique, comme on nous le répète depuis 20 ans. Mais avant d’en dire du mal, il faut tout de même en dire du bien. Les antibiotiques sont la découverte la plus extraordinaire de l'histoire de la médecine. On la doit à un médecin anglais, Alexander Fleming, qui était génial mais bordélique. Il avait laissé traîner dans son labo des boîtes de culture infectées par un champignon. Et en rentrant de vacances, il s’est aperçu que ce champignon ne s'était pas développé partout. Il a analysé ce qui avait retardé ce développement et il a ainsi découvert, par hasard, le 3 septembre 1928, la pénicilline. Une découverte qui va sauver des centaines de millions de vies en permettant de faire quasiment disparaître la tuberculose, la peste, la lèpre, le typhus, ou encore de soigner le choléra. On dit merci qui? Merci docteur Fleming.
Sauf que 95 ans plus tard, de plus en plus de bactéries résistent aux antibiotiques. C’est l’antibiorésistance. L’OMS qualifie le phénomène de pandémie silencieuse. Elle fait pour l’instant 1,3 million de morts par an, c’est à dire deux fois plus que le paludisme. Mais d’ici 2050, l’antibiorésistance devrait tuer 10 millions de personnes par an. Ce serait alors la première cause de mortalité dans le monde, devant les cancers. Cela veut dire que dans 20 ou 30 ans, on mourra d’infections qui aujourd’hui sont facilement traitées mais qui ne le seront plus si on ne fait rien…
La solution, c’est donc de consommer moins d'antibiotiques. Et en France, on y arrive globalement depuis 2012. Mais depuis deux ans, au contraire, la consommation remonte. Les derniers chiffres ont été publiés ce lundi par Santé publique France. Ils révèlent une augmentation de 16% des prescriptions. Soit 800 prescriptions d'antibiotiques par an pour 1.000 habitants. Avec une augmentation plus importante chez les enfants, des nouveaux nés jusqu’à 14 ans. En fait, en 2020, la consommation d'antibiotiques avait fortement chuté, parce qu’en se protégeant du Covid ; on s'était aussi protégé des autres maladies. Mais malheureusement, cette tendance ne s’est pas poursuivie. En 2021 et 2022, on est donc reparti à la hausse.
La France est le 5e plus gros consommateur d'antibiotiques parmi les pays européens. Les Français prennent trois fois plus d'antibiotiques que la moyenne des Européens. Parce que la demande des patients est forte et que les médecins résistent mal à cette demande.
Bientôt des médicaments à tête chercheuse
La solution viendra peut-être des progrès de la médecine, avec de nouveaux docteurs Fleming qui feront peut-être bientôt des découvertes. Sur RMC, Anthony Morel a récemment fait le point sur les recherches en matière d'antibiorésistance. On espère beaucoup des nouveaux médicaments à tête chercheuse. C'est-à-dire capables de mieux cibler les bactéries à éliminer. Et cela grâce à la technologie dite des ciseaux génétiques inventée par la Française Emmanuelle Charpentier. L'intelligence artificielle permet également d'espérer de nouveaux médicaments plus résistants en testant des milliers de molécules.
Et les chercheurs travaillent aussi sur des virus capables de tuer les bactéries. Des virus qu’on trouve dans les eaux usées. C’est un peu dégoûtant mais prometteur… Tout cela pour dire que la catastrophe annoncée, les 10 millions de morts en 2050, ce n’est heureusement pas certain.