"Un coup de com' massif": dans les coulisses de la rencontre inattendue entre Emmanuel Macron et Didier Raoult

Le spécialiste des maladies infectieuses a dévoilé "un document tout chaud", expliquait pas peu fier un conseiller de l'Elysée.

La visite avait été préparée dans le plus grand secret. En plein confinement, Emmanuel Macron a pris son avion jeudi pour Marseille afin de rencontrer le Professeur Didier Raoult. Un rendez-vous surprise, sans journaliste, dans le cadre de la tournée du Président auprès des chercheurs français mobilisés dans la recherche d'un traitement contre le Covid-19. Dans la matinée, Emmanuel Macron avait effectué un premier déplacement de plus de deux heures à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), où il a rencontré des équipes hospitalo-universitaires impliquées dans la recherche clinique sur le coronovarus.

Et c'est aussi le moment qu'a choisi le scientifique controversé pour présenter en exclusivité au chef de l'Etat sa troisième étude menée sur 1061 patients de la région de Marseille. "Un document tout chaud" lui a été dévoilé, expliquait pas peu fier jeudi un conseiller de l'Elysée.

"Un coup de communication massif" estime un pilier de l'opposition. Coup double même: à la fois pour le professeur décrié en raison de ses travaux non académiques et soudain réhabilité, mais aussi pour le chef de l'Etat qui espérait ainsi s'afficher aux côtés de celui qui fera peut-être avancer la recherche sur le coronavirus.

L'Elysée reste prudente

L'Elysée prend en revanche toutes ses précautions: "Une visite ne légitime pas un protocole scientifique" car rien ne dit, en effet, faute de comparatif si c'est bien l'hydroxychloroquine prescrite par Didier Raoult qui est à l'origine du rétablissement de 91% des 1061 patients suivis. "Le Président a la volonté de prendre en compte l'ensemble des essais et des études, dont celle du professeur Raoult (...) Ce n'est pas à lui de trancher le débat, qui doit être tranché scientifiquement", a souligné son entourage.

Le spécialiste mondial des maladies infectieuses, qui s'est inspiré des travaux chinois, défend bec et ongles que cet antipaludéen - couplé à un antibiotique - permet de réduire la charge virale et ainsi aide les malades de guérir. Si les travaux du professeur ont un temps été salué par Donald Trump, l'efficacité de cette molécule dans le traitement de l'épidémie du coronavirus reste encore à prouver. 

Dès la fin de la visite, la droite française proche du professeur Raoult a salué ce déplacement du chef de l'Etat à l'IHU de Marseille, et notamment le maire de Nice, Christian Estrosi, qui a lui même suivi un traitement à la chloroquine. 

Que dit la nouvelle étude?

Si des chercheurs reprochaient à Didier Raoult une première étude pas suffisamment "significative" car réalisée sur 24 patients seulement, l'infectiologue a, cette fois, traité 1061 patients atteints par le coronavirus à l'hydroxychloroquine pour publier sa nouvelle étude. Résultat: avec ce traitement, 91.7% des patients seraient guéris en 10 jours. Cinq patients seraient décédés, âgés de 74 à 95 ans. 

Didier Raoult l'assure donc son traitement est sûr et efficace quand il est pris juste après le diagnostic. Seulement son étude n'est pas reconnue par la communauté scientifique, qui met en avant un problème de méthodologie: il n'y a toujours pas de "groupe témoin", des patients qui n'ont pas été traités à l'hydroxychloroquine pour pouvoir comparer les effets du médicament.

Il n'y a pas eu de tests non plus sur l'effet de la molécule en fonction des comorbidités des patients, des degrés de gravité de la maladie, des différents stades d'évolution du virus. Autant de variables nécessaires afin de sceller l'efficacité d'un traitement. 

Jérémy Trottin et Romain Poisot