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"Une campagne d'intimidation": Bruno Le Maire veut lutter contre les arrêts-maladies abusifs

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Pour réduire la dette, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire veut lutter contre les arrêts de travail abusifs en augmentant le nombre de jours de carence. Au grand dam des médecins généralistes et même du Medef.

Des économies tous azimuts. En attendant les effets de la réforme des retraites, le gouvernement a identifié "au moins 10 milliards d'économie pour redresser les finances publiques", a annoncé Bruno Le Maire. Pas question de toucher au coûteux SNU, le ministre de l'Economie estime qu'il faut plutôt lutter contre les arrêts-maladies.

Alors qu’on en recensait 6,4 millions en 2012, leur nombre a grimpé à 8,8 millions en 2022 pour environ 600.000 actifs de plus seulement. Et pour le ministre de l’Economie et des Finances, c’est trop. "Est-ce que quelque chose justifie que les arrêts-maladies aient augmenté de 30% au cours des dernières années?", s'interroge-t-il, alors que ces arrêts coûtent chaque année 16 milliards d'euros par an.

Pour réduire la facture, le gouvernement envisage d'augmenter les jours de carence, aujourd'hui au nombre de trois, pendant lesquels aucune indemnité n'est versée au malade.

Une proposition qui ne passe pas du tout du côté des médecins généralistes. Agnès Giannotti, la présidente du syndicat MG France, dénonce "une véritable campagne d'intimidation pour qu'on n'arrête plus les gens qui en ont besoin".

"Délits statistiques"

Dans les faits, la sécurité sociale lutte déjà contre les arrêts de travail et les médecins risquent une amende de 9000 euros en cas d'abus: "J’ai déjà été convoqué par la sécurité sociale qui m’a reproché mon nombre d’arrêts de travail sans me donner un seul nom. Je dois être reconvoqué parce que mon taux d’arrêts-maladies délivré n’a baissé que de 5%", témoigne dans "Estelle Midi", ce mardi sur RMC et RMC Story François, médecin généraliste en Gironde depuis 35 ans qui assure n’arrêter les gens que lorsque c’est nécessaire.

"On parle des arrêts de complaisance, mais on manque de médecins, on a plein de patients, on s’en fiche de se faire une telle patientèle", ajoute le praticien qui évoque des méthodes de management de plus en plus difficiles avec les salariés.

"La sécu ne regarde pas en détail la typologie des populations et fait des 'délits statistiques'", assure celui qui se fait appeler Dr Pepper sur Twitter et exerce comme généraliste en Bretagne. Il cite l’exemple d’un confrère basé à Flins (Yvelines), à proximité de l’usine Renault, qui a eu la visite de la sécurité sociale s’étonnant du nombre d’arrêts de travail. "Il lui a répondu qu’il n’avait qu’une patientèle d’ouvriers cassés contrairement à ses collègues d’autres cantons qui avaient une patientèle de cadres supérieurs", raconte le praticien. "La Sécu ne regarde jamais au détail, ils tapent au hasard histoire de faire peur aux médecins et de les sanctionner encore une fois", déplore-t-il.

Le Medef veut un jour de carence total

Même le Medef, le syndicat des patrons, s'oppose à Bruno Le Maire. "Dans beaucoup d'entreprises, les jours de carence sont pris en charge", a assuré le président de l'organisation patronale Geoffroy Roux de Bézieux lors d'une conférence de presse mardi. "Repasser la dépense de la Sécurité sociale aux entreprises, ça n'est pas la bonne méthode", a-t-il ajouté, constatant lui aussi une explosion des arrêts de travail "partout en Europe".

Si Geoffroy Roux de Bézieux a estimé qu'il y avait "un problème d'arrêts de travail de complaisance", il a reconnu qu'il y avait "des questions de mal-être et de mal-être au travail". Plaidant pour une "mesure d'ordre public", le président du Medef s'est dit plutôt favorable à "un jour de carence qui ne pourrait être remboursé par personne".

G.D.