Sécheresse: l’impossible indemnisation des maisons fissurées et l'angoisse des propriétaires
La sécheresse abîme nos maisons. En France, la moitié d’entre-elles sont situées sur des zones à risque. Sur un sol argileux, la sécheresse provoque des mouvements de terrain, qui fissurent petit à petit les constructions. C’est le cas de la maison d’Emma, à Villemomble (Seine-Saint-Denis). Depuis plusieurs années, sa maison part petit à petit en lambeau: "Il y a des fissures partout. Il y a des endroits où on peut rentrer la main. Il y a une baie vitrée qui a menacé de s'effondrer. Quand il pleut, j'ai a de l'eau qui rentre dans la maison", raconte-t-elle. Une situation qui empire, été après été.
"Tous les jours en été, je tremble. Je me sens mal. Ça m'angoisse. A chaque fois que je vois les fissures qui s'agrandissent, je me dis 'Ça va s'arrêter où? Il va se passer quoi?' Cette année au mois d'août, je ne sais pas ce que ça va donner… Ça me fait peur."
Quatre ans pour être indemnisés
Sa commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle en 2019. C'est un prérequis pour demander une quelconque indemnisation, ce qu'a fait Emma presse immédiatement. Cela fait quatre ans que cette villemombloise a déposé son dossier. Mais depuis, elle n'a reçu aucune indemnisation de son assurance, Allianz. Pourtant, l'assureur allemand a bien mandaté un expert, qui a estimé les travaux a près de 180.000 euros.
Après quatre ans d’attente, l’assurance a fini par proposer une indemnisation, au lendemain de notre tournage avec Emma (hasard du calendrier). La cellule RMC s'engage pour vous a tout de même contacté Allianz pour comprendre pourquoi cette indemnisation avait pris autant de temps. Leur justification est d'abord le retard pris avec la crise du Covid-19, la difficulté de trouver des artisans et la lenteur des expertises.
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Des indemnisations longues et fastidieuses
Mais le cas d'Emma, même si particulièrement long, est loin d'être isolé. Toutes les associations spécialisées le disent, c'est la croix et la bannière pour être indemnisé. Un rapport du Sénat, présenté en février dernier, révèle que seulement un sinistre sur quatre est indemnisé par les assureurs.
Ce fait s'explique par plusieurs raisons. D'abord, toutes les communes qui font une demande pour être reconnues en état de catastrophe naturelles n'ont pas forcément reconnues. Des demandes sont rejetées et pour les habitants, il est alors impossible de demander une indemnisation. Et dans les communes qui sont reconnues en état de catastrophe naturelle, il n'y a qu'un dossier sur deux qui donnent lieu à une indemnisation.
Déjà, parce que toutes les communes qui le demandent ne sont pas reconnues en état de catastrophe naturelle. Et même dans celles qui le sont, seule la moitié des dossiers déposés donnent lieu à une indemnisation. Des démarches complexes qui ne conviennent pas à l’Association Urgence Maisons Fissurées qui appelle à une simplification des démarches. "(L'État) veut faire quelque chose de très compliqué en essayant de noyer le poisson. Le problème c'est que si on part sur les mêmes bases que la sécheresse de 2022 en 2023, je crains que ça soit terrible" considère le président de l'association Mohamed Benyahia.
"Si on fait (des indemnisations) le plus vite possible, ça va coûter beaucoup moins cher et on limitera les dégâts (sur les maisons)", explique-t-il.
Une procédure bientôt assouplie ?
Contacté par RMC, le ministère des Finances semble conscient du problème. Il prévoit notamment d’assouplir les critères pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, avec pour objectif d’augmenter d’environ 15% le nombre de communes éligibles. Pour accélérer les procédures, le gouvernement a aussi fixé aux assurances des délais à ne pas dépasser, pour la prise en charge des victimes de la sécheresse.
Et la situation est urgente. L'année 2023 est en effet partie sur les mêmes bases que l'année 2022, année record puisque l’indemnisation de ce type de sinistre a dépassé les 2,5 milliards d’euros l'année dernière.
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