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Faut-il renationaliser les autoroutes? Le débat ressurgit avant la nouvelle augmentation des tarifs

Après une information du Canard Enchaîné, évoquant un rapport de l'Inspection générale des finances prouvant la réalisation d’énormes profits des sociétés gestionnaires des autoroutes françaises, le débat sur une nationalisation de ces axes routiers revient sur la place publique, à l’aube d’une nouvelle hausse des tarifs des péages.

Le débat est, une fois encore, de retour. Mais cette fois, les défenseurs d’une nationalisation des autoroutes françaises ont un argument en plus dans leur sacoche. D’après le Canard Enchaîné du 25 janvier dernier, un rapport commandé par le ministère de l’Economie en 2020 prouverait que les sociétés concessionnaires réaliseraient d’énormes profits sur leur gestion des autoroutes françaises. Le document montrerait par exemple "une rentabilité très supérieure à l'attendu" pour le groupe Vinci et Eiffage, à la tête des deux tiers du réseau autoroutier de l'Hexagone.

Outre le fait que ce rapport, commandé à l'Inspection générale des finances, n'a jamais été publié par les équipes de Bruno Le Maire, le texte recommanderait de baisser drastiquement (-60% !) les prix des péages sur les deux tiers du réseau autoroutier. Et pourtant, les prix augmenteront le 1er février de 4.75% en moyenne, une augmentation décidée par les sociétés privées de gestion des autoroutes.

"On leur a fait un cadeau depuis des années"

Il n’en faut pas plus pour relancer le débat sur la renationalisation des autoroutes en France, sorte de serpent de mer qui refait surface à chaque hausse des tarifs des péages autoroutiers.

Sur une aire de repos iséroise, Yann, directeur des ventes, se retrouve très souvent sur le réseau autoroutier. S’il explique ne pas savoir s’il paye “le prix juste” pour l’utilisation des autoroutes, Elisabeth, une autre condutrice, a un avis beaucoup plus tranché.

“Quand il y a un problème, on perd du temps et il n’y a aucune excuse, rien du tout. Il faut juste payer”, critique-t-elle.

Thomas Portes, député LFI de Seine-Saint-Denis, abonde en ce sens et estime alors qu’il “faut reprendre la maîtrise publique sur un certain nombre d’infrastructures et les autoroutes doivent en faire partie”.

“C’est une expropriation de l’Etat, c’est à dire qu’on ne doit pas en plus repayer à ces sociétés. On leur a fait un cadeau depuis des années, ils ont engrangé de l’argent, aujourd’hui ça suffit il faut que ça revienne sous maitrise publique, c’est une urgence absolue”, assure le député (LFI) Thomas Portes.

Pour ou contre, le débat fait rage

Un discours dans lequel se retrouve probablement le maire (EELV) de Grenoble, Eric Piolle, invité de l’émission Apolline Matin diffusée sur RMC et RMC Story, et fervent défenseur de la nationalisation des autoroutes en France.

Selon lui, la privatisation du réseau autoroutier français, entamée au début des années 2000, a été réalisée “à un prix défiant toutes les lois du marché, à hauteur de 15 milliards d’euros”. “Ne serait-ce qu’entre 2006 et 2017, c’est 10 milliards de plus qui ont été distribués en dividendes par ces sociétés d’autoroute”.

Le maire écologiste fustige l’état d’esprit derrière cette privatisation, car, selon lui, “penser que le privé gère mieux que le public, ou que l’Etat doit vendre ses bijoux de famille car il est dans une situation financière difficile”, n’est pas la solution à entreprendre.

Il ajoute que l’argent des profits réalisés sur les autoroutes devrait “servir à renforcer les petites lignes de train du quotidien dont nous avons besoin partout sur le territoire, peut-être à appuyer le changement de nos modes de transport car on veut réduire la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre”.

En totale opposition à cet avis, Me Rémy Josseaume, avocat spécialisé en droit routier, était lui aussi invité à réagir au débat de la renationalisation du réseau autoroutier. L’avocat s’est positionné en faveur de cette gestion privée des autoroutes, notamment car “dès que vous mettez le doigt sur la gestion publique, vous voyez que rien ne marche dans ce pays : les hôpitaux, la police, la justice, rien ne fonctionne correctement”.

Selon lui, “beaucoup d'investissements ont été engagés” par les sociétés gestionnaires des autoroutes. Par ailleurs, “sur 10 euros du prix du péage, l’Etat encaisse 38%. Si on globalise la vision, tout le monde y trouve son compte”, assume Me Rémy Josseaume.

Selon un rapport de l'Autorité de régulation des transports (ART) publié au début du mois de janvier 2023, les bénéfices des sociétés d'autoroutes ont atteint les 3,9 milliards d'euros en 2021.

Alexis Lalemant, Vincent Chevalier