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"J'ai récupéré environ 200 euros": des soupçons de fraude sur le covoiturage, à Rouen

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A Rouen, les fraudes au covoiturage mis en place par la municipalité seraient nombreuses. Les fraudeurs déclareraient de faux trajets et récupéreraient facilement de l'argent public, directement sur leur compte.

Fidèle auditrice de RMC, Yamina habite à Rouen, la ville championne de France du covoiturage (111.000 trajets le mois dernier). Pour une agglomération de moins de 500.000 habitants, ça ferait un trajet covoituré sur cinq.

Pour inciter les automobilistes, la métropole a noué il y a un an et demi un partenariat avec une plateforme: Klaxit. Le principe: un conducteur prend un passager gratuitement, le déclare sur l’application, et reçoit en échange 2 à 4€ par trajet. Le tout financé par la Métropole, de l’argent public donc, comme le raconte Le Journal d'Elbeuf.

Et frauder le système serait un jeu d’enfant. Pas besoin de voiture, figurez-vous! Il suffit de s'installer dans un bus, un métro ou même un train et de lancer l’application sur deux téléphones différents pour faire croire à un trajet covoituré. Celui qui a accepté de nous en parler est un jeune actif qui souhaite rester anonyme.

"C'est très rapide, le lendemain l'argent est sur le compte bancaire. J'ai été un petit fraudeur, j'ai récupéré environ 200 euros, je n'ai pas été un utilisateur de l'extrême. Ce n'est pas forcément de l'argent dont j'avais besoin mais c'est toujours ça de pris", reconnaît-il au micro de RMC.

Détournement d'argent public

Cette technique, il l’a découverte par le bouche-à-oreille, dans le milieu des étudiants de la région. Et si c’est si simple, cela peut signifier qu'il y a beaucoup de fraudeurs. C'est ce que dénoncent les élus d’opposition à la métropole de Rouen. Un dispositif trop simpliste qui pousse à la fraude et au détournement d’argent public alors que sur les réseaux sociaux, certains s'en vantent même.

Conseillère municipale, Marine Caron réclame une commission d’enquête et la suspension du dispositif le temps des investigations: "On est entièrement favorable à inciter au covoiturage mais il y a d'autres communes en France qui l'ont mis en place avec des systèmes de contrepartie. Là, chez nous, c'est gratuit totalement, le covoitureur est récompensé et gagne de l'argent. Quand on sait que derrière, il y a de l'argent public, on ne peut pas laisser faire en toute impunité. Beaucoup de gens qui utilisent de manière détournée l'application ne sont pas sanctionnés."

Contrôles renforcés

Un fraudeur s’expose à une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375.000€ d'amende. Mais encore faut-il le dénicher. Alors, on a cherché et on en a trouvé au moins 1.200: c’est le nombre de comptes désactivés par la plateforme pour ce motif. 1.200 sur 33.000 covoitureurs actifs, ce n’est pas rien. Et si on se dit qu’ils ont empoché autant que notre fraudeur, ça fait 240.000€ d’argent public évaporé.

Contactée, la plateforme Klaxit estime que la fraude est marginale mais l’application s’est engagée à renforcer les contrôles. De son côté, la Métropole a voté il y a une semaine le plafonnement de rémunération des conducteurs à 150€/mois, suivant une recommandation du ministère des Transports. Mais elle n’envisage pas de remettre en cause le dispositif "en raison de l’irresponsabilité d’un petit nombre de fraudeurs", nous dit-on. Le ministère des Transports nous assure que ce type de fraude fait l’objet d’une "surveillance étroite".

Depuis le 1er mars et la bascule avec cette rémunération à la baisse et des contrôles renforcés, les trajets entre Paris et Rouen sont en chute libre: on est passé de 214 trajets au mois de janvier à 17 un mois plus tard...

Amélie Rosique, Joanna Chabas et Elise Denjean