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Surpopulation carcérale: "On ne peut pas faire plus de deux pas dans ma cellule"

Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas présentait ce mardi matin son plan pour lutter contre la surpopulation carcérale, avec un objectif: un prisonnier par cellule. Un vœu pieux inscrit dans la loi mais très loin de la réalité française. Il y a près de 10.000 prisonniers de plus que de places disponibles. Joint par RMC, Adil, raconte son quotidien à deux dans une cellule de 8 mètres carrés, à la prison de Nanterre.

Adil a été condamné à une peine d'un an d'emprisonnement pour des délits, assure-t-il. Il a déjà passé cinq mois dans sa cellule, et il lui en reste donc 7 officiellement.

"Dans ma cellule, que je partage avec un autre détenu, il y a juste la place de mettre le lit superposé, une armoire, la télévision et le frigo. Du lit à la porte on peut faire deux pas, et c'est trois pas en largeur. Au sol, à deux, vous vous emmêlez les pieds. Quand l'un fait la cuisine, l'autre reste sur le lit. Tout est serré. Nous, on est deux, mais parfois il y a trois personnes dans une cellule, avec un matelas par terre.

Moi j'essaye de garder ma cellule propre. Mais il y a des détenus qui se laissent aller, parce qu'ils n'en peuvent plus.

Les gens sont collés devant la télévision, font du sport dans leur cellule. Heureusement il y a les portables. La prison sans téléphone portable, c'est impossible. 95% des mecs qui ont un téléphone dans leur cellule, ce n'est pas pour le business, c'est pour être avec la famille.

"Ce n'est pas propice à l'apaisement"

"Il n'y a pas que le problème des cellules: vu la surpopulation, toutes les activités sont prises. Pour travailler, la liste d'attente est super longue, il faut attendre 6 mois pour aller bosser, pareil pour faire du sport. Même chose pour les suivis, pour ceux qui ont des soins. On subit, du coup on ne sort pas. 22 heures sur 24 je suis en cellule, j'ai l'impression d'être un animal. Tous les jours, on ne pense qu'à la promenade pour pouvoir sortir de cette cellule. Mais quand tu ne sors que le matin pour la promenade et que tu ne ressors plus avant le lendemain, c'est dur de patienter. Il faut être fort psychologiquement, et ce n'est pas propice à l'apaisement. La réinsertion sociale, franchement, c'est inexistant.

"Être seul ça permettrait de ne pas se retrouver avec des mecs bizarres"

L'amélioration de nos conditions de détention? Je n'y crois pas. Des cellules individuelles de 11m2, ce serait énorme, mais je n'y crois pas. Être seul ça permettrait de ne pas se retrouver avec des mecs bizarres. Il y en a qui ne peuvent pas rester avec telle ou telle personne. Mais je ne vais pas dire qu'il faut construire des prisons, ça voudrait dire qu'on va mettre tout le monde en prison. La prison n'est pas une solution. On entasse tout le monde comme du bétail. C'est un monde parallèle la prison, on ne nous prend pas pour des êtres humains, on est du bétail. La meilleure amélioration c'est la réinsertion, qu'on nous inscrive dans des formations, des trucs qui peuvent vous aider pour l'extérieur".

P. G. avec Pauline Baduel