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"C'est de la chair à canon": à Marseille, les dealers recrutent des mineurs de toute la France via les réseaux sociaux

Document RMC - Pour faire face à la pénurie de main d'œuvre, les dealers marseillais recrutent des mineurs venus de toute la France via les réseaux sociaux.

Ils ont 14, 15, 16 ans et viennent de toute la France pour un contrat à durée déterminée à Marseille, un contrat dans le trafic de stupéfiants. "Ces jeunes-là sont recrutés à travers les réseaux sociaux, en CDD ou en CDI", explique Amine Kessaci, président de l'association "Conscience" à Marseille, qui aide les mineurs à sortir du trafic et rappelle que ce n'est pas une activité de tout repos: "Ce n'est pas juste être assis toute la journée, c'est aussi se faire gifler parce qu'il n'y a pas 50 euros dans la sacoche ou se faire gifler parce qu'on n'a pas assez travaillé dans la journée", prévient-il.

À Marseille, il existe plus de 150 points de deal clairement identifiés, un commerce illégal qui peut attirer des mineurs en difficulté: "Il s'agit de mineurs en déshérence, en difficulté, de mineur isolé ou de personnes en rupture familiale", explique à RMC Eddy Sid, délégué SGP Unité Police FO à Marseille.

Et depuis plusieurs années, les jeunes engagés dans le trafic sont originaires d'autres villes parfois très éloignées de Marseille, de l'axe rhodanien et du Val-d'Oise notamment.

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Un phénomène qui s'est accéléré depuis cet été

"C'est de la chair à canon. Ce sont des individus qu'on va faire travailler beaucoup plus qu'en temps normal ou qu'on va payer une fois sur deux. On va aussi leur faire croire qu'ils ont des dettes parce qu'ils ont fait une erreur et si par malheur l'un de ces individus est amené à périr sous les balles, le gérant du réseau n'a que peu d'accointances avec puisqu'il vient de 300, 400, voire 1000 kilomètres de Marseille", ajoute le fonctionnaire.

La procureur de cité phocéenne Dominique Laurens veut enrayer ce recrutement de mineurs isolés, séduits par les dealers sur les réseaux sociaux, comme Snapchat et Tiktok, où ils expliquent en quoi consiste le "job", montrant des jeunes maniant des liasses de billets.

Un phénomène connu depuis 5 ans maintenant, mais qui depuis l'été dernier s'est accéléré avec l'augmentation des règlements de compte dans la cité phocéenne, la main d'œuvre marseillaise étant plus difficile à trouver. En 2021, 15 personnes ont été tuées à Marseille lors de règlements de compte sur fond de trafic de stupéfiants.

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Romain Poisot et Estelle Henry (avec Guillaume Dussourt)