Un tableau réalisé par un robot avec l’IA vendu 1 million de dollars: est-ce vraiment de l’art?

Un robot peut-il produire une œuvre d’art? Une peinture réalisée par un humanoïde a été vendue plus d’1 million de dollars, il y a quelques jours, lors d’une vente aux enchères. Elle est intitulée "AI God", le dieu de l’IA. C’est un portrait en noir et blanc d’Alan Turing, le génial mathématicien anglais et l’un des pères fondateurs de l’IA. Sa particularité, c’est d’avoir été réalisée de A à Z par un robot couplé à une intelligence artificielle. L’artiste s’appelle AI-DA. AI comme intelligence artificielle, évidemment. Un robot humanoïde avec un visage de femme, une peau en silicone mais un corps métallique et des doigts métalliques, un peu façon Edward aux mains d’argent, conçus pour tenir un crayon ou un pinceau et dessiner.
Des caméras placées dans ses yeux lui permettent de "voir" ce qu’il crée et de traduire ce qu’il "voit" en coordonnées pour créer des dessins. L’IA est partie de vrais portraits d’Alan Turing et a utilisé des algorithmes d’apprentissage automatique pour créer un style artistique. Conçu par un spécialiste de l’art contemporain, Aidan Meller, le robot, par le biais d’une IA, dit de son œuvre: "Le portrait du pionnier Alan Turing invite les spectateurs à réfléchir à la nature divine de l'IA et de l'informatique tout en considérant les implications éthiques et sociétales de ces progrès". Le côté sombre du tableau est censé représenter la mise en garde que semble faire Alan Turing sur le potentiel et les dérives de l’IA... Pourquoi pas.
Un tableau peint par un robot, c'est amusant. Mais de là à dépenser 1 million d'euros pour l'acheter... L'acheteur a gardé l'anonymat... Difficile de dire si c’est la beauté de l’œuvre qui l’a ému ou si c’est un investissement purement spéculatif, en espérant que cette première œuvre robotique se revende beaucoup plus cher dans quelques années... Est-ce qu'on peut vraiment parler d'art? Le danger, c’est de tomber dans l’anthropomorphisme, le fait d’attribuer à un robot des caractéristiques humaines.
De la musique et des livres réalisés avec l’IA
Même si ce robot ressemble (vaguement) à un humain et qu’il s’adonne à une activité éminemment humaine, ce n’est qu’une boîte de conserve couplée à un algorithme comme il en existe plein (MidJourney, Dall-E...), qui vont partir de bases de données massives d’images qu’elles vont régurgiter sous une autre forme, aussi spectaculaire soit-elle. Il n’y a rien de créatif là-dedans. La maison d’enchère Sotheby’s y voit "une étape de l’histoire de l’art moderne et contemporain". Point rassurant: une récente étude menée par l’université d’Amsterdam montre que le simple fait que l’on sache qu’une œuvre a été générée par une IA en diminue la valeur à nos yeux. Ce qu’on voit bien, en revanche, c’est qu’en alliant l’homme et la machine, la puissance générative de la machine avec une touche de talent et d’humanité, on arrive à des résultats spectaculaires.
C’est une question qui va se poser pour tous les arts, pas seulement la peinture, mais aussi la musique, les livres... On a des IA qui peignent, sculptent, font de la musique, écrivent des livres... On a vu récemment un robot violoncelliste jouer avec un orchestre symphonique en Suède, une vraie prouesse. Les images sont dingues, même si de l’avis de plusieurs experts, le résultat est assez froid et manque encore de chaleur (humaine!). Mais avec les avancées de l’IA, ça va s’améliorer. Les lignes deviennent de plus en plus floues. D’autant que des artistes humains s’emparent aussi de ces outils, de manière plus ou moins scrupuleuse.
Il y a quelques mois, un concours de peinture (destiné aux humains) a été remporté par un candidat qui avait soumis une œuvre réalisée par une IA. Au Japon, la lauréate d’un prestigieux prix littéraire a admis qu’une partie de son livre avait était écrit par l’intelligence artificielle. Après le "fait maison" dans les restaurants et les boulangeries, à quand une mention "fait par un humain" sur les livres?