Télescope James-Webb: pourquoi c’est un lancement extraordinaire pour Ariane 5 et les astronomes

Si tout va bien, une fusée Ariane 5 décollera de Kourou ce samedi avec à bord le télescope spatial le plus puissant jamais conçu, un engin extraordinaire, qui devrait nous permettre de faire d’incroyables progrès en astronomie.
Il s’appelle le télescope James-Webb, en hommage au patron de la Nasa dans les années 60, les années de la conquête de la Lune.
Les Américains travaillent sur ce projet depuis 1989, avec l'aide des agences spatiales canadienne et européenne. Il devait au départ être lancé en 2007, il a donc 14 ans de retard. Il devait coûter un demi-milliard de dollars, il a coûté 20 fois plus, 10 milliards.
C’est un bijou de haute technologie. Avec un miroir de 6m50, trois fois plus grand que celui de l’actuel télescope spatial Hubble, une plateforme accueillant tous les instruments et un bouclier de protection thermique grand comme un terrain de tennis.
On a réussi à plier tout cela pour que cela rentre au sommet de la fusée Ariane. Après le lancement, il faudra ensuite déployer les éléments, ça prendra un mois, puis le télescope ira se placer à un million et demi de kilomètres de la terre. C'est-à-dire cinq fois plus loin que la Lune.
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James-Webb va observer l’invisible
Que va faire de si extraordinaire ce télescope ? Il va voir ce que l’on ne voit pas. Hubble, le plus gros télescope spatial jusqu'à présent, observait le visible, c'est-à-dire les lumières émises par les lointaines étoiles. James-Webb, lui, va observer l’invisible. C’est-à-dire les ondes infrarouges.
La différence, c’est que la lumière des étoiles les plus lointaines finit par s’estomper, surtout si elle traverse des nuages de poussières, alors que les infrarouges persistent plus longtemps Résultat : on espère observer les astres qui se trouvent à des milliards d’années lumières. Et une année lumière, c’est déjà 9.000 milliards de kilomètres. Ce sont des distances que l’on n'arrive pas à se figurer.
Mais l’observation de ces ondes infrarouges pose de gros problèmes techniques. C’est pour cela que l’on a mis 32 ans à fabriquer ce télescope ! Pour capter les infrarouges, qui sont des chaleurs, il faut paradoxalement des instruments très froids.
Les quatre outils de mesures du télescope doivent être maintenus à des températures allant de -230°C à -260°C. D'où ce bouclier thermique qui va se déployer pour le protéger du soleil, et d'où cette distance d’un million et demi de kilomètres où on l’envoie.
Mais la conséquence, c’est qu’en cas de pépin, il n’y aura rien à faire. Impossible de tenter d’aller le réparer, comme on l’avait fait pour Hubble lorsqu’il s'était déréglé. Mais Hubble n’est qu'à 500 km de la Terre.
Commencer à répondre à la seule question qui vaille: est-ce que nous sommes seuls ?
Qu’est-ce que l’on espère découvrir ? Plus on voit loin, plus on observe une lumière émise il y a longtemps et plus on remonte dans le temps. On va donc voir ce qui s’est passé juste après le bigbang, il y a 13 milliards d’années. On va mieux comprendre comment se sont constitués les trous noirs : ces énormes masses que l’on observe au centre des galaxies.
Et surtout, on va pouvoir regarder les exoplanètes, ces planètes qui sont hors du système solaire. On va pouvoir analyser leurs atmosphères et déterminer s’il pourrait y avoir des formes de vie.
Tout cela est formidablement bien expliqué dans un dossier du Monde.fr intitulé "Un titan dans l’espace". Et la conclusion de cette enquête, c’est que le télescope James Webb va peut-être nous permettre de commencer à répondre à la seule question qui vaille : est-ce que nous sommes seuls ?
Mais pour répondre à cette question, il faudra sans doute attendre le prochain télescope. Les astronomes y travaillent déjà. Il pourrait être lancé dans les années 2040 et il observera non plus la lumière, non plus les infrarouges, mais les ultraviolets. Et lui devrait pouvoir nous dire si la vie peut exister dans l’univers, ailleurs que sur la Terre. Rendez-vous dans 20 ans…