Un humanitaire raconte sa mission au cœur de la guerre au Yémen: "Pas un seul jour de répit"

A Aden (Yemen), les attaques continuent - AFP
C'est un conflit d'une extrême violence qui se déroule depuis quatre mois au Yémen, dans l'indifférence générale. Un conflit qui a fait près de 4 000 morts, dont la moitié sont des civils, et quelque 10 000 blessés, selon les ONG humanitaires. La population, déjà une des plus pauvres du monde, manque de tout: eau potable, nourriture et médicaments.
"La population était sous pression"
Le conflit oppose deux camps, chacun soutenu par des forces internationales. D'un côté, les rebelles houtistes, originaires du Nord du pays et soutenus par l'Iran. En face, les troupes président Hadi, appuyées par l'Arabie Saoudite et une coalition de neuf pays arabes. Pour en parler, RMC a interrogé Thierry Goffeau, chef de projet pour Médecins sans frontières. Il revient d'une mission de deux mois et demi sur place. En 11 années chez MSF, il n'a jamais vécu "une mission aussi éprouvante".
"J'ai commencé ma mission en mai dans la ville d'Aden. Elle était en partie occupée et encerclée par les forces du Nord. Donc l'accès aux soins de santé, aux denrées alimentaires de base, au fioul, au gaz… était extrêmement limité. En conséquence, la population était extrêmement sous pression, et nous aussi", raconte-t-il. "Mais depuis mi-juillet, à Aden, la zone portuaire a été reprise par les forces du Sud et du coup l'accès à l'aide humanitaire est plus important désormais. La situation devrait donc s'améliorer plus ou moins rapidement. Mais pour le reste du pays, la situation est bien différente".
"Les snipers font beaucoup de dégâts"
Thierry Goffeau revient ensuite sur les conditions de sa mission, qu'il juge lui-même "extrêmement dangereuse". "Il n'y a pas eu un seul jour de répit. Tous les jours, des blessés dans des conditions terribles arrivent, déplore-t-il. Il y a de nombreuses blessures d'obus, des fractures ouvertes, des brûlures, des membres déchiquetés ou encore un nombre important de blessés par balles à cause des snipers positionnés en haut des bâtiments et font beaucoup de dégâts, notamment sur la population civile".
Cet humanitaire ajoute: "Jours et nuits, nous devons faire face aux cris, aux blessés, au sang, aux bagarres… Beaucoup de balles perdues qui atteignaient le premier étage des bureaux et des chambres… On était donc exposé à un niveau de violence et de stress extrême". "Le manque de sommeil, le niveau d'agressivité, le niveau de risque… tout ça fait que cette mission est extrêmement fatigante", insiste Thierry Goffeau.