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Un président ne devrait pas dire ça: "Hollande est devenu le journaliste par procuration de son quinquennat"

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François Hollande se confesse. Beaucoup. Pour le livre Un président ne devrait pas dire ça, il a rencontré les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme à 61 reprises. Et François Hollande entretiendrait le dialogue avec de nombreux journalistes. Mais comment trouve-t-il tout ce temps? Vu de l'étranger, c'est absolument "ahurissant" estime Richard Werly, correspondant du quotidien suisse Le Temps à Paris.

"L'Elysée affirme que François Hollande n'accorde que 5% de son temps à la presse. Dans une de mes chroniques, je m'étais trompé en disant qu'il y accordait au moins un tiers de son temps. Quand vous additionnez la quarantaine d'entretiens du premier livre, la cinquantaine d'entretiens du deuxième livre, la soixantaine du livre de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme, plus les conférences de presse, plus tous les échanges récurrents avec les journalistes, vous arrivez quand même à des heures et des heures et des heures!

Et quand vous regardez ça de l'étranger, vous êtes stupéfait. Dans aucun pays européen vous n'avez une telle profusion de livres confessions de journalistes ayant séjourné régulièrement dans le bureau présidentiel, voire dans la retraite présidentielle à La Lanterne à Versailles.

Ce que je comprends de mes collègues français, c'est que François Hollande adore ça, il est très bon dans cet exercice, il dit lui-même d'ailleurs qu'il n'hésite pas à les manipuler, ce qui fait partie du jeu. Il a un véritable goût pour le registre de la confession dans lequel il se sent tout à fait à l'aise.

Il a l'air complètement obsédé par l'idée de donner un bilan à son quinquennat et si on voulait être un peu sévère, on dirait qu'il donne aux médias le bilan d'un quinquennat qui est invisible par ailleurs. Donc en accordant des privilèges à des journalistes, il met en lumière ce qu'il a fait ou ce qu'il a voulu faire alors que pour la majorité des Français, si l'on en croit les sondages, ce n'est absolument pas lisible.

Là, on a presque l'impression que ce sont des livres à titre posthume présidentiel. L'objectif n'est plus de convaincre les électeurs, c'est peut-être de leur dire que le quinquennat n'a pas été raté pour la prochaine élection. Il essaie de convaincre l'opinion, à travers les journalistes, qu'il a vraiment été un président, qu'il a vraiment agi, qu'il a vraiment pesé sur les événements et qu'il s'est vraiment posé les questions avant de prendre des décisions.

"Il met en concurrence plusieurs journalistes"

Ce qui me frappe, c'est que même les journalistes qui le voient très souvent sont lassés. Quand je leur demande si ces rencontres sont passionnantes, il y en a très peu qui me disent "oui, c'était passionnant". Il y a une lassitude journalistique réelle de François Hollande qui, pour moi, est un mystère, car le président ferait mieux de se taire, il ferait mieux de cultiver une forme d'interrogation plutôt que de sans cesse continuer de parler.

Si l'on regarde les sondages, ces livres n'ont pas d'effet, il est toujours aussi impopulaire. Ca fait beaucoup de buzz médiatique mais on n'a pas l'impression que les Français croient à ces livres et que ça le crédibilise. Par contre, peut-être qu'il y a dans son idée un deuxième temps qui sera le temps de l'élection présidentielle 2017. Peut-être espère-t-il que ces journalistes avec qui il parle, qui sont des gens influents, vont diffuser autour d'eux l'idée qu'il a été un bon président, qu'il a agi du mieux qu'il a pu?

Mais si tel est son objectif, il y a un problème: ces livres ne sont pas très tendres pour lui. Il leur accorde beaucoup de temps et il se fait flageller à la fin parce que ces livres le montrent indécis, pas très tranchant et pas toujours très convaincant.

"Hollande, journaliste par procuration de son quinquennat"

Ce qui me fascine, c'est que plusieurs personnes m'ont rappelé que François Hollande avait lui-même pris la plume. Il avait collaboré avec des journaux sous pseudonyme, il était connu pour alimenter régulièrement le feuilleton du Canard Enchaîné quand il était au Parti socialiste.

Là, on a l'impression que François Hollande est devenu le journaliste par procuration de son quinquennat. Comme il ne peut pas prendre la plume lui-même, il fait prendre la plume par des journalistes. C'est une situation un peu vertigineuse où vous avez un président qui est encore acteur mais déjà observateur".