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Alimentation

Après 10 ans de folie, pourquoi le burger commence à être boudé par les Français

En France, les consommateurs mangent en moyenne 2,7 burgers par mois (photo d'illustration).

En France, les consommateurs mangent en moyenne 2,7 burgers par mois (photo d'illustration). - Emma Forton

En 10 ans, la consommation de burgers a été multipliée par 14. Mais depuis le début de l'année, elle a chuté de 10%. Pourquoi? RMC Conso a posé la question à un spécialiste du secteur.

Il s'en est écoulé 1,6 milliard en 2024. Presque systématiquement à la carte d'un restaurant, je suis souvent le plat le plus vendu. Qui suis-je? Alors, vous l'avez? C'est bien sûr... l'incontournable burger.

"Jusqu'en 2024, la consommation de burgers en volume a été multipliée par 14 en l'espace de 10 ans. Il n'y a aucun autre produit dans le secteur de l'agroalimentaire qui a connu une telle hystérie", affirme à RMC Conso Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, un cabinet de conseil et d'accompagnement spécialisé dans la restauration hors domicile.

Restaurants, brasseries et même les étoilés

En France, le burger a d'abord été popularisé par les fast-food, avec notamment l'arrivée de McDonald's en 1979 et de Burger King en 1980. Mais le "phénomène burger" s'est véritablement déclenché avec l'arrivée de nouveaux acteurs, selon le spécialiste.

"Lorsque le chef Yannick Alléno a reçu la récompense du meilleur burger du monde en 2008, l'idée de burgers premium et haut de gamme a commencé à s'imposer. C'est alors que des enseignes comme Big Fernand ou encore 231 East Street ont fait leur apparition", explique-t-il.

À partir de ce moment-là, il y a eu une réaction en chaîne. "Tous les restaurants et brasseries s'y sont mis, même les étoilés. L'arrivée de fast-food américains plus 'premium', comme Five Guys et Steak and Shake, a encore accéléré la tendance", poursuit Bernard Boutboul.

Aujourd'hui, 80% des restaurants (160.000 sur 200.000 au total) proposent au moins un burger à leur carte. Les fast-food sont, quant à eux, au nombre de 3.000 en France.

Le burger est tellement ancré dans les habitudes alimentaires des Français que c'est presque devenu "une banalité". "Les consommateurs sont étonnés s'il n'y en a pas au menu d'un restaurant."

Une augmentation de 30% à 40% des prix

Pour autant, la tendance commence, pour la première fois en 10 ans, à s'essoufler, nous apprend le président de Gira Conseil.

"La consommation a stagné en 2024. Depuis le début de l'année 2025, elle a chuté de 10% en volume, toutes enseignes confondues. C'est donc un mouvement général, ce n'est pas une question d'acteurs mais bien qu'il s'agit du produit en lui-même qui pose problème", constate-t-il.

Et certains acteurs avaient commencé à l'observer bien plus tôt. "À la fin de l'année 2023, McDonald's constatait déjà une chute de la fréquentation dans ses restaurants. C'est la raison pour laquelle l'enseigne a lancé son menu McSmart avec quatre produits pour cinq euros", se rappelle Bernard Boutboul.

D'après le spécialiste, plusieurs raisons peuvent expliquer ce recul. Celui-ci évoque "une lassitude" des consommateurs, qui auraient fini par "faire le tour" du produit après plus d'une dizaine d'années à en manger régulièrement.

"Tout l'enjeu pour les marques, c'est la génération Z, âgée de 25 à 30 ans. Comme ils mangent des burgers depuis leur enfance, ils commencent aujourd'hui à avoir leur dose. Est-ce qu'ils feront de même avec leurs enfants? Là est la question. Et à cela s'ajoute à une prise de conscience de mieux manger", détaille-t-il.

Bernard Boutboul pointe également l'évolution du prix des burgers, qui joue dans les choix de consommation des Français, "surtout au vu des problématiques actuelles de pouvoir d'achat".

"Les burgers sont devenus trop chers. En 10 ans, les prix ont augmenté de 30% à 40%", souligne le président de Gira Conseil.

Concurrence d'autres produits

Le spécialiste émet aussi l'hypothèse d'une baisse de l'engouement pour le burger lié à "la concurrence d'autres produits de street food", notamment asiatique. Dernier exemple en date: le "crousty", une barquette remplie de riz et de poulet pané avec beaucoup de sauce.

Dans cette même logique, le burger est par ailleurs toujours devancé par deux autres produits. "Le sandwich est le produit le plus vendu hors domicile, suivi de la pizza en deuxième position et du burger en troisième place", indique-t-il.

Si la pizza se positionne devant le burger, c'est notamment grâce à "son succès en grande distribution aux rayons frais et surgelés". Ce qui n'est pas le cas du burger.

Plus globalement, et cela se voit avec les dernières tendances sucrées (chocolat Dubaï Style, Franui etc.), le consommateur est aujourd'hui constamment à la recherche de nouveaux produits et d'expériences inédites.

Autre piste de ce recul du burger: les innovations. "Dans le choix d'un burger, les consommateurs sont archi classiques. Pour eux, c'est du pain, du boeuf et du cheddar avec des frites. Toutes les tentatives d'innover avec de nouveaux ingrédients (foie gras, fausse viande...) ont été rejetées", assure Bernard Boutboul.

À titre d'exemple, "les burgers avec des galettes végétales de légumes représentent 3% des ventes de McDonald's, c'est un faible taux de prise", poursuit-il.

Enfin, le président de Gira évoque le contexte politique. Depuis le 7 octobre, de nombreux consommateurs ont boycotté les grandes marques américaines de fast-food. Un facteur qui n'a probablement pas aidé à la chute déjà entamée de la consommation de burgers.

Le burger garde ses fans

Malgré tout cela, cette chute de 10% de la consommation de burger ne se ressent pas: le burger n'a encore disparu d'aucun menu. Et pour cause, le marché est "toujours sur une lancée positive". C'est notamment dû à l'ouverture régulière de nouvelles enseignes, mais aussi à des évènements locaux autour du burger, d'après le spécialiste.

Ceux-ci permettent, en effet, de créer des rendez-vous et de susciter de l'attente auprès des consommateurs, qui sont en recherche permanente de nouvelles découvertes.

En avril dernier, à Paris, la Coupe de France de Burger a mis en compétition des chefs de nombreuses régions. Du 25 septembre au 19 octobre à Serris (Seine-et-Marne), c'est un autre événement du même genre qui se tient, "The Champions Burger", avec des propositions particulièrement originales: or saupoudré, pain rose ou bleu, wagyu japonais, fromage truffé...

Des burgers aux recettes originales sont proposés au concours "The Champions Burgers", en Seine-et-Marne.
Des burgers aux recettes originales sont proposés au concours "The Champions Burgers", en Seine-et-Marne. © Emma Forton

Il a rassemblé 4,5 millions de personnes en Espagne. En France, la première semaine a attiré 35.000 curieux.

"Les Français sont très friands du burger et connaissent bien ce produit, le public est aussi très exigeant au niveau de la gastronomie. L'objectif était donc de les surprendre", nous affirme Barbara Bort, directrice marketing de l'événement.

Le burger commence peut-être à lasser la majorité, mais garde malgré tout ses aficionados... Assez nombreux pour lui permettre de conserver sa place sur les cartes des restaurants pendant encore un moment.

Emma Forton