Fromage, saucisses, poisson... Pourquoi y a-t-il autant de rappels de produits alimentaires?

Mardi 12 août, le rappel de 40 lots de fromages vendus en supermarché qui pourraient être liés à deux décès par listériose crée la panique. En juin dernier, un autre scandale alimentaire concernait de la viande contaminée par la bactérie E. Coli. Elle avait rendu malades 32 personnes.
Mais outre ces cas graves, d'autres rappels de produits alimentaires sont signalés chaque jour. En moyenne, sur l'année 2024, il y a eu cinq rappels par jour dans l'alimentation. Heureusement, la grande majorité est sans conséquences. Malgré tout, ils semblent de plus en plus nombreux et peuvent donc susciter une inquiétude légitime.
Alors, que veut dire concrètement un rappel de produit? Comment se déroulent ces rappels? Faut-il s'inquiéter de leur nombre? RMC Conso répond à toutes les questions que vous vous posez.
Ramener le produit en magasin ou le détruire
75% des rappels de produits concernent l'alimentation. Mais en réalité, tous types de produits peuvent être rappelés, de l'automobile à l'hygiène-beauté, en passant par les équipements de la maison et les appareils électriques.
D'ailleurs, si les rappels de produits alimentaires créent des inquiétudes sanitaires, d'autres rappels non moins importants sont régulièrement médiatisés, à l'instar des rappels de moteurs Stellantis et airbags Takata.
Rappeler un produit, cela signifie tout simplement le retirer des rayons lorsqu'il présente un risque pour la santé. Quand le produit n'a pas encore été commercialisé, on parle de retrait. Quand le produit a été vendu aux consommateurs, il leur est alors demandé de le rapporter en magasin ou de le détruire. Une campagne d'information est menée, à la fois sur le site internet rappel.conso.gouv.fr, et éventuellement via des affiches en magasins, pour alerter les consommateurs.
Les motifs sont multiples: une défaillance technique, une non-conformité europénne, la présence d'un ingrédient interdit... Dans l'alimentaire, on trouve souvent la présence de corps étrangers (verre, plastique...). Mais les cas les plus fréquents sont les contaminations bactériennes, avec, en trio de tête, E. Coli, salmonelle et listeria. Ces microbes provoquent grosso modo les mêmes symptômes: diarrhées, maux de ventre, vomissements...
La plupart du temps bénins, ils peuvent néanmoins amener à des complications chez les personnes fragiles. D'où l'importance de ne pas laisser les produits concernés en rayons. Parmi les aliments les plus contaminés, on trouve bien sûr des aliments sensibles comme la viande crue, notamment ceux ayant subi une découpe (car les hachoirs peuvent avoir été infestés), les produits laitiers, en particulier le fromage (très fragile lorsqu'il est au lait cru), et les produits de la pêche et d'aquaculture.
Bactérie mangeuse de chair
Mais les motifs de rappel peuvent aussi être assez cocasses, lorsqu'ils sont la conséquence d'une négligence des industriels, qu'ils donnent lieu à des situations qui prêtent à sourire, ou nous révèlent le nom d'une bactérie semblant tout droit sortie d'un film d'horreur.
Citons, dans le palmarès, du poulet rôti qui avait cuit avec une pastille de nettoyage oubliée dans le four, une tronçonneuse dont le frein est défaillant (bienvenue dans Massacre à la tronçonneuse), des bonbons au CBD contenant un taux élevé de THC, cannabinoïde interdit au-delà de 0,3%, ou encore des crevettes contaminées par la bactérie mangeuse de chair (qui donne de la fièvre, mais, heureusement, ne mange pas la chair humaine...).
Un rappel peut se faire à l'initiative de l'ensemble de la population. S'ils sont le plus souvent entrepris par le fabricant lui-même, qui procède à des auto-contrôles, ou encore par un distributeur ou un importateur, le consommateur peut aussi lancer l'alerte s'il soupçonne un dysfonctionnement ou une contamination d'un produit causant un risque pour la santé. Il doit se rendre, pour cela, sur signal.conso.gouv.fr ou prévenir la Direction départementale de protection des populations.
Les autorités administratives peuvent également initier une procédure de rappel: la Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes, la Direction générale de l'alimentation, etc. C'est ensuite au fabricant de faire les démarches nécessaires au rappel du produit. Si le risque est confirmé, il se doit bien sûr d'officialiser le rappel via l'information au consommateur: la publication sur le site officiel est obligatoire. S'il ne le fait pas, il encourt jusqu'à cinq ans de prison et une amende de 600.000 euros, voire de 10% de son chiffre d'affaires annuel.
Une hausse réelle mais à relativiser
Les industriels ont tout intérêt à mener scrupuleusement à bien les procédures de rappel, pour ne pas prendre le risque de provoquer un scandale sanitaire. Quelques précédents ont laissé des traumatismes chez les consommateurs: l'affaire du lait contaminé impliquant Lactalis, en 2017, ou encore les pizzas Buitoni et les chocolats Kinder en 2022. Ce qui explique, en partie, la hausse du nombre de rappels: la vigilance s'est accrue, et le principe de précaution s'applique.
Car si la hausse est à relativiser, elle est tout de même bien réelle: en 2024, les 2.101 fiches publiées (en ce qui concerne l'alimentation) représentent une augmentation de 14% par rapport à 2023 (2.025 fiches publiées). Les rappels étaient néanmoins plus nombreux en 2021 (3.247 rappels) et 2022 (2.443 rappels), mais cela s'explique par le scandale de l'oxyde d'éthylène, un pesticide interdit et dont on s'est rendu compte qu'il contaminait de nombreux produits alimentaires, en 2021. Cela avait entraîné le rappel de milliers de produits.
Avec 537 fiches alimentaires depuis le début de l'année 2025, les rappels semblent à un niveau assez stable. Toutefois, ces chiffres relativement élevés ont plusieurs explications, outre l'accroissement général de la vigilance.
"Les exigences réglementaires se renforcent. Pour les contaminants chimiques, les teneurs limites sont revues à la baisse (pour les mycotoxines, les pesticides...) et le panel de molécules recherchées augmente (on entend de plus en plus parler des PFAS...)," explique à RMC Conso Stéphanie Perraut, rédactrice en chef adjointe du magazine spécialisé Process Alimentaire, qui suit l'évolution des rappels mois par mois.
"Fatalement, plus on cherche plus on trouve."
La hausse des rappels serait donc en ce sens plutôt une bonne nouvelle, signe des évolutions à la fois légales et scientifiques qui nous permettent de mieux contrôler les risques. Néanmoins, d'autres éléments d'explication sont plus inquiétants: "Le dérèglement climatique favorise la multiplication de certaines bactéries, virus, parasites et champignons. La chaleur et l'humidité peuvent par exemple expliquer la présence plus importante de mycotoxines sur les fruits et légumes ou les céréales," alerte Stéphanie Perraut.
"La mondialisation des échanges apporte également sur le marché hexagonal de nouvelles substances dont le risque n'a pas été évalué ou des substances qui sont interdites chez nous bien qu'utilisés dans les pays tiers (c'est le cas des pesticides par exemple)."
Plus on informe, plus on protège
Du côté du ministère de l'Agriculture, on nuance le nombre de rappels dans l'alimentaire en expliquant que "pour une même alerte sur un produit, il peut y avoir une seule ou de nombreuses fiches sur RappelConso, en fonction du nombre de présentations commerciales du produit soumis à alerte".
"Le nombre de fiches sur RappelConso ne peut pas être mis en rapport direct avec le nombre de non-conformités sanitaires décelées à l'occasion des autocontrôles menés par les opérateurs ou des contrôles officiels menés par les autorités," précise le ministère à RMC Conso.
Rappelons enfin que le site internet RappelConso n'a été mis en ligne qu'en 2021. Ce qui explique en partie que la forte médiatisation des rappels soit aussi récente.
"Il est normal d'observer une montée en puissance. La visibilité du nombre de rappels en cours donnée par le site Rappel conso peut être vue positivement: en France, il existe un haut niveau d'information des consommateurs sur les produits sur le marché qui ne devraient pas être consommés," conclut le ministère.
À condition que le mal ne soit pas déjà fait, ce que déplore Ingrid Kragl, porte-parole de Foodwatch, interrogée par nos confrères du Figaro. L'association appelle à revoir tout le système de contrôles et de rappels: "Les rappels interviennent quand les produits ont déjà été commercialisés et consommés, donc quand il est trop tard". C'est d'ailleurs ce qu'elle fustige dans l'affaire des fromages contaminés.