"Expliquez-nous": dans les coulisses de la course folle au vaccin contre le Covid-19

Une course de vitesse avec une accélération stupéfiante. On va peut être faire en un an ce qui normalement en prend 10.
Le top départ de cette course a été donné le 10 janvier de cette année. C’est le jour où les chinois ont mis en ligne, à la disposition de tout le monde, le séquençage complet du virus. Dans le monde entier, les chercheurs se sont mis au boulot pour trouver un vaccin et 40 jours après seulement, les premiers essais étaient lancés. 40 jours, là où normalement il faut des mois ou des années.
Où en est-on aujourd’hui?
Aujourd’hui, jour 125 des recherches, on a beaucoup avancé. 157 programmes ont été recensés. La plupart sont en phase pré-clinique. C’est-à-dire, la phase de recherche en laboratoire et de test sur des animaux.
10 programmes sont en phases 1. C’est-à-dire l’essai sur l’homme. 10 à 100 volontaires, pour déterminer la tolérance aux vaccins.
Et puis un programme chinois est déjà en phase 2, c’est-à-dire l’essai sur 50 à 500 personnes pour mesurer l’efficacité des vaccins. Il reste ensuite la phase trois, des essais à plus grande échelle sur plusieurs milliers de personnes. Puis, si tout va bien, ce sera la mise sur le marché.
Dans quelle direction cherche-t-on?
Il y a des recherches classiques: on fabrique un virus vivant atténué, ou inactivé et on l’inocule pour que le corps fabrique des anticorps. Ca marche comme ça depuis Pasteur en 1885. Et d’ailleurs, l’institut Pasteur en France travail “à l’ancienne” sur un vaccin dérivé de l’actuel vaccin contre la rougeole.
Mais il y a d’autres recherches beaucoup plus révolutionnaires: le laboratoire américain “Moderna”, expérimente la technique dite ARN messager. Le principe, c’est qu’on n’envoie pas de virus dans le corps. On envoie des informations, sous la forme d’ADN modifié, et ce sont ces informations qui provoquent la fabrication des défenses par le corps. Des essais sur l’homme sont en cours depuis mars à Seattle. Cela n’avait jamais été autorisé auparavant. Si ça fonctionne, c’est une révolution.
Cette course au vaccin s’accompagne parfois de coups bas
Des scènes font parfois penser à des romans d'espionnage. Le FBI américain a accusé des pirates informatiques et des étudiants proches de la Chine d'avoir volé des informations d’universités et de laboratoires américains. Pékin a répondu que c’était de la diffamation.
En mars, c’était Donald Trump qui avait été accusé d’avoir voulu acheter à prix d’or les recherches d’un laboratoire allemand. Un laboratoire qui s’appelle “Carevac” et qui est très avancé sur les vaccins de demain avec ADN modifié, comme les américains de Moderna. Les Américains avaient démenti cette tentative de hold-up, mais les autorités allemandes avaient pris les affaires très au sérieux.
Lorsque l’on aura un vaccin, il faudra encore le fabriquer à grande échelle
Et là ce ne sera pas la course, ce sera la guerre. Et si vous avez aimé la saison 1: “La guerre des masques”, vous allez adorer la saison 2: “La guerre des doses de vaccins”.
Tous les grands laboratoires ont prévenu qu’ils n’avaient pas la capacité industrielle de fabriquer les milliards de doses dont ont pourrait avoir besoin. Certains annoncent pouvoir en produire des dizaines de millions, d’autres, des centaines de millions, mais on sera loin du compte. Les vaccins, si on en a, seront rares, et ce qui est rares... est cher.
C’est pour cela qu’on espère que l’on ne va pas trouver un vaccin mais plutôt quatre ou cinq différents pour que personne n’ait un monopole et pour multiplier les possibilités de fabrication.
L’OMS a organisé il y a 15 jours une réunion pour parler d’une future distribution équitable. Mais ni la Chine, ni les Etats-Unis n'étaient représentés.
Les enjeux financiers sont colossaux
On investit actuellement des milliards de dollars en espérant en gagner encore plus. La petite entreprise américaine “Moderna” a vu sa valeur en bourse exploser depuis l’annonce de ces essais. Elle vaut aujourd’hui autant que Renault. Et son PDG français, Stéphane Bancel, a déjà fait fortune avant d’avoir produit un seul médicament.
Mais attention, tout est possible avec ce virus inconnu. S’il devait disparaître aussi vite qu’il est arrivé et avant la mise au point du vaccin, alors pour les labos ce serait: “Adieu veau, vache, cochon, couvée”. Possiblement beaucoup d’argent investi pour rien.
C’est ce qui était arrivé en 2013 avec le virus Ebola: il avait disparu au moment où le vaccin était au point.