Analyse du langage, reconnaissance faciale: les entretiens d’embauche se mettent à l’intelligence artificielle
Et si votre prochain entretien d’embauche se déroulait face à une intelligence artificielle ? Pour trouver les meilleurs candidats, de plus en plus d’entreprises font appel à des logiciels qui mêlent reconnaissance faciale et analyse du langage. Une sorte de DRH virtuel. Les grandes entreprises sont de plus en plus friandes de cette solution, proposée par plusieurs startups comme l’Américain HireVue. Elle a mis au point une technologie assez étonnante pour présélectionner les meilleurs candidats à un poste, en utilisant une intelligence artificielle. Le principe est simple : l’entretien se fait via une simple application mobile, en vidéo. Le logiciel vous pose des questions, vous avez 30 secondes pour préparer, puis 1 à 3 minutes pour répondre. Vous expliquez vos qualifications, votre parcours, ce qui vous motive...
Le logiciel va analyser plusieurs choses, de manière totalement automatisée : d’abord votre langage, les mots que vous utilise. Est-ce que vous dites "je" souvent, est-ce que vous faites des phrases interminables et emberlificotées, est-ce que vous avez une maîtrise du jargon technique pour certains postes ? On va analyser aussi le ton de votre voix : est-ce que vous êtes très lent et monocorde ou plutôt dynamique ? Et puis, il y a l’analyse du visage. Ce n’est pas à proprement parler de la reconnaissance faciale, mais plutôt une analyse de vos expressions quand vous parlez : est-ce que vous froncez les sourcils, est-ce que vous avez le regard fuyant ? En 15 minutes de vidéo, le logiciel récolte 25.000 points d’analyse, il combine le tout et il donne son évaluation, une note de 1à 100, en comparant avec les autres candidats. A noter que pour l’instant, il sert seulement à réaliser une présélection, à dégrossir le travail. Il y a toujours un humain à la fin qui décide.
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Gain de temps et constance
C’est quoi l’intérêt par rapport à un entretien "classique" ? L’avantage, c’est le gain de temps. La machine peut réaliser des centaines d’entretiens en même temps. Mais pas seulement. L’intérêt d’utiliser des machines, c’est que tous les candidats sont logés à la même enseigne. En tout cas, en théorie. C’est l’argument mis en avant par les promoteurs de cette technologie, le côté égalitaire, qui dépasse le côté déshumanisant à se dire qu’on va être jugé par une machine… Leur décision ne sera jamais biaisée par quelque préjugé que ce soit ou par l’humeur du moment du recruteur selon qu’il a bien ou mal mangé à la cantine. Sa constance aussi : s’il voit passer dix personnes, il va leur donner la même attention, la même grille d’analyse. Mais d’autres pointent le fait que les algorithmes reproduisent les biais de ceux qui les ont créés. L’outil technologique lui-même créé une discrimination à l’âge aussi : en moyenne, les jeunes générations sont beaucoup plus à l’aise avec ça que les anciennes : finalement, ces CV vidéos ne sont pas très éloignés des vidéos qu’on peut faire de soi-même sur Insta ou Tiktok...
On estime que près d’un tiers des entreprises utilise déjà l’IA dans son recrutement, de l’Oréal à Amazon... Souvent, ça va être au niveau du CV : des outils de lecture et d’analyse automatique qui vont aller chercher certains mots clés plus rapidement qu’un œil humain. Mais ça peut aller jusqu’à ces outils d’analyse vidéo ou même à des entretiens avec un avatar virtuel, sorte de personnage de jeu vidéo qui a été programmé pour interviewer les candidats. Pour les candidats, ça veut aussi dire qu’il faut élaborer de nouvelles stratégies pour battre la machine plutôt que convaincre un interlocuteur humain (avoir un "contact visuel" avec la caméra, éviter les tics verbaux qui vont être repérés par la machine). Seul devant une caméra, pas de contact visuel avec un humain, aucun échange : aucun moyen non plus de savoir si on a fait bonne impression ou pas. A la fin, on éteint la caméra, et c’est tout... Même le mythique "on vous rappellera" semble plus chaleureux en comparaison !