Logiciels espions, surveillance des mails... gare aux mouchards en télétravail

Les salariés français sont de plus en plus surveillés. Selon une étude réalisée auprès de 7.600 dirigeants et responsables RH dont 600 Français, 6 entreprises françaises sur 10 prévoient ou ont déjà adopté des outils dans le but de renforcer la supervision de leurs employés en télétravail... Ce qu’il faut bien appeler des mouchards, installés pour vérifier si le salarié est bien en train de travailler et pas en train de jouer à la Playstation...
Un tiers utilisent ou envisagent d’utiliser des logiciels de surveillance des emails, un quart veulent même installer des webcams avec suivi du regard... Sans compter plein de logiciels espions dont les ventes ont explosé depuis le début de la crise sanitaire. On peut citer ActivTrak, Staffcop (le "flic des salariés", sympa !), Time Doctor, Interguard… En gros, grâce à ces logiciels, la direction va avoir une sorte de tableau de bord qui lui donne tout un tas d’information sur ce que vous faites depuis votre bureau à la maison... Votre historique de navigation, le temps que vous avez passé sur chaque site...
En théorie, ces programmes ne sont pas interdits
Certains vont réaliser des captures d’écran de l’ordinateur du salarié toutes les 5 minutes, histoire de vérifier ce que vous faites... Et un rapport est envoyé tous les soirs à l’employeur. Le logiciel va aussi retenir chaque frappe de clavier, donc ils enregistrent tout ce que vous tapez (ce qu’on appelle des "keyloggers"). Certains outils permettent même de mesurer le niveau d’attention des salariés pendant une visioconférence, par exemple.
Tous ces outils de surveillance, c’est légal en France ? C’est compliqué... Aux Etats-Unis, où le télétravail s’est développé bien avant chez nous, ces outils font déjà partie du paysage. En France, c’est plutôt flou en fait, car les textes de loi commencent à dater. En France, le télétravail est encadré par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, qui dit seulement que "le télétravailleur doit être informé des éventuels moyens de surveillance mis en place". Autrement dit, en théorie, ces programmes ne sont pas interdits, à condition qu’on vous prévienne et qu’ils soient "pertinents et proportionnés" à l’objectif poursuivi. Ce qui est assez vague, finalement (ça peut être pour garantir la sécurité du système informatique de l’entreprise par exemple).
La Cnil intervient
La Cnil a pris position en jugeant certaines technologies non compatibles avec le principe selon lequel le patron n’a pas à placer ses salariés sous surveillance permanente. Ces outils précités ne sont "pas proportionnés". Après, il y a la question de l’efficacité réelle de ces outils, qui rompent la confiance entre l’employeur et l’employé : cette même étude montre que les entreprises qui ont mis en place ce genre de dispositif enregistrent en moyenne des taux de départ beaucoup plus élevés...
Et puis il existe pas mal d’astuces pour se soustraire à "Big brother"... C’est un jeu du chat et de la souris. Les salariés en télétravail cherchent -et trouvent- des failles : sur internet, on trouve plein de tutos et de forums pour échapper à l’œil virtuel de ces outils. En réalité, des petits logiciels qui font bouger votre souris automatiquement sur votre ordinateur, même quand vous n’êtes pas derrière le clavier, pour apparaître toujours actif sur Skype ou Slack. Méthode artisanale et créative : ceux qui vont carrément attacher leur souris à un ventilateur pour qu’elle bouge tout le temps et donner l’impression qu’on est en train de bosser. Ou encore ouvrir un traitement de texte et mettre un presse papier sur la barre espace pour donner l’impression que vous écrivez en permanence. Les plus technophiles vont même créer un PC virtuel, en gros un deuxième ordinateur à l’intérieur de votre ordinateur, mais auquel le patron n’a pas accès… et sur lequel on peut faire ce que l’on veut sans être surveillé.