Le philosophe Frédéric Lenoir dans les GG: "L’argent contribue au bonheur"

Et si le secret, c’était tout simplement le bonheur? Frédéric Lenoir philosophe, sociologue et écrivain, vient de sortir un nouveau livre consacré à la gaieté et au plaisir: "La puissance de la joie", publié chez Fayard. Ces derniers ouvrages ont été de gros succès en librairies et sont traduits en plus de 20 langues.
Invité des GG ce jeudi, le philosophe est revenu sur plusieurs thèmes qui lui sont chers: la joie de vivre, le bonheur et la religion.
"La joie vient du fait qu’on est attentif et présent", explique-t-il. "Bergson montre aussi que la joie est liée à l’effort. Le fait d’avoir persévéré et d’avoir réussi à incarner son projet dans la matière signifie qu’on est dans la joie la plus grande. C’est flagrant chez les sportifs. La joie de vivre cela ne se décrète pas mais se retrouve."
"J’essaye dans ce livre d’expliquer comment on peut retrouver la joie de vivre grâce à un certain nombre d’attitude : la bienveillance, la gratitude, l’attention, la qualité de présence. C’est en lisant les Stoïciens, Aristote, Epicure, Spinoza et Montaigne que j’ai compris plein de choses. Cela m‘a permis de grandir, de m’améliorer, de me perfectionner."
"Les Français sont déprimés, car ils ont l'impression de régresser"
Alors que les GG rappellent que des philosophes très médiatiques comme Michel Onfray ou Alain Finkelkraut, développent des thèses très éloignées des siennes, il rétorque : "Ils ne recherchent pas dans la philosophie un art de vivre. Pour eux, c’est le concept. Et ils sont plus marqués par le tragique. La majorité des philosophes contemporains sont obsédés par le tragique et le déclin. Le tragique est là: oui, on va mourir, le monde va mal. Mais qu’est-ce qu’on fait? Je cherche à trouver des solutions."
Il le concède volontiers, "les Français sont particulièrement déprimés. Je voyage beaucoup et je me rends compte à chaque fois que je reviens qu’on est dans une sorte de dépression nerveuse collective. Les gens voient tout ce qui va mal et ne voient pas du tout ce qui va bien, alors qu’on est dans un pays où il y a beaucoup de choses extrêmement positives. La joie vient toujours d’une progression, disait Spinoza. Et les Français ont l’impression de régresser. On est beaucoup dans l’envie, la comparaison, la jalousie. Et c’est quelque choses de très présent en France."
"J’aime trop la vie pour pouvoir me suicider de manière lente ou rapide" lâche également le philosophe, qui précise faire attention à son hygiène de vie et dénonce "l’industrialisation de l’élevage à cause de la souffrance des animaux". On torture des animaux toute la journée. Dès qu’il y a de la souffrance, je ne consomme pas."
"Il y a un islam universaliste merveilleux"
Les GG sont néanmoins sceptiques: n’est-t-on pas trop individualiste aujourd’hui, trop tourné sur soi et replié sur soi? "Je reviens constamment sur le fait que deux chemins provoquent la joie; d'abord être soi, ne pas vivre avec le regard des autres, et ensuite s’accorder au monde, être en communion avec le monde. Plus les gens sont heureux, plus ils sont utiles aux autres."
Sur la question très actuelle des migrants, il pense que les réticences d’une partie de la population à accueillir des réfugiés sont liées à la peur. "Quand on voit le fanatisme musulman qui se développe, cela fait peur. Mais il faut lutter contre les peurs. Les prises de décision liées à la peur son toujours mauvaises".
"Je crois qu’il faut être en cohérence avec soi-même", note-t-il. "Si dans le chemin de vie, la foi fait partie des fondamentaux, cela peut être une bonne chose. A l’inverse, la religion peut écraser certain et devenir un fardeau. Il y a un islam spirituel qui est merveilleux, qui est totalement universaliste. Mais ce n’est pas celui-là dont on parle dans les médias malheuresement."
Distinguer religion et spiritualité
"Je distingue religion et spiritualité", poursuit-il. "La religion est politique et communautaire, et il y a de tout dedans. La spiritualité est intérieure et peut aider des individus à grandir. Il existe dans toutes les religions une spiritualité commune, on retrouve des piliers de la sagesse chez les grands philosophes que chez les grands spirituels. Et cela m’intéresse plus que la religion politique."
Mais au fait, lui demandent les GG en conclusion, que pensez de l'argent? Un compte en banque bien fourni fait-il le bonheur?
"L’argent contribue au bonheur, il donne de la sécurité et de la liberté", estime Frédéric Lenoir. "Mais quand vous voyagez, vous rencontrez des personnes qui ont juste un toit et de quoi manger, et ils sont très heureux. Le bonheur ne vient pas simplement de l’argent."