RMC
Les Grandes Gueules

Suppression des notes à l'école: "De la pédagogie Nutella pour cacher les lacunes des élèves"

placeholder video
Une expérimentation menée dans 70 collèges et lycées de l'académie de Tours-Orléans a démontré que la suppression des notes réduisait l'écart de niveau entre les élèves issus de milieux défavorisés et les autres, essentiellement en mathématiques. Mais pour la grande gueule Fatima Aït Bounoua, ce n'est que du "brouillard devant les yeux des parents".

C'est une expérimentation qui rouvre le débat (enflammé) sur la suppression des notes en primaire et dans le secondaire. A l'instigation du CNRS, en partenariat avec l'académie d'Orléans-Tours, les élèves de 70 collèges et lycées, de la 6e à la seconde, ont testé l'évaluation sans note, au cours de l'année scolaire 2014-2015. Deux groupes d'élèves ont été évalués : l'un avec des notes, l'autre sans note, mais avec évaluation par compétence. Et c'est en maths que l'effet a été le plus probant : sans les notes, l'écart entre les élèves de milieux favorisés et les élèves issus de milieux défavorisés ont été réduits de moitié. Et tous les élèves ont progressé. En revanche, aucun de ces effets n'ont été observés en français et en géographie.

De quoi faire réfléchir la ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, qui avait un temps envisagé de supprimer les notes, avant de reculer face à la grogne des profs et des parents ?

"Incompréhensible pour les parents"

Surtout pas, espère la grande gueule Fatima Aït Bounoua, prof de français dans un collège de banlieue. "Je suis contre !", assène-t-elle avec conviction. Si elle concède que "le système des notes n'est pas parfait", elle estime qu'il est en tout cas beaucoup mieux qu'un système d'évaluation par compétences acquises ou non acquises.

"Le problème c'est qu'on remplacerait un système de communication avec les parents qui fonctionne bien. Les compétences et leur formulation – repérer les informations dans un texte à partir des éléments explicites et implicites, adapter sa prise de parole à la situation de communication… - ne poseront pas de problèmes aux parents qui sont déjà investis (dans le travail de leurs enfants et de l'école), mais pour ceux qui sont moins investis dans leur rôle ou qui sont plus éloignés de l'école, c'est incompréhensible. Au final ils me demanderont : 'Mais alors il aurait eu combien'".

"Ce ne sera pas plus fin, mais plus flou"

"On est quand même aujourd'hui dans un système très inégalitaire, rappelle Olivier Truchot. Il y a moins d'enfants ouvriers dans les grandes écoles qu'il y a 50 ans, il y a toujours ces 150.000 élèves qui arrivent en 6e sans savoir lire et qu'on laisse partir dans la nature après 16 ans. Là le CNS fait une expérimentation, et les parents et les profs sont vent debout pour ne pas changer l'école qu'ils ont connu".

"On ment aux gens en leur disant que ce serait plu fin, alors que ce sera plus flou, insiste Fatima Aït Bounoua. Mes élèves, quand je leur mets 6 ils savent qu'ils n'ont pas travaillé". "Les enfants adorent être notés. Et si c'est noté, ils travailleront avec plus de soins", assure la prof de français.

Pour appuyer sa démonstration, elle raconte : "J'ai des élèves qui écrivent les 'petitent' filles. Et aujourd'hui on nous dit : 'ils ont pensé pluriel donc ça peut passer'. Il y a un rapport utilitaire à la langue, et par conséquent j'ai des enfants qui savent de moins en moins écrire".

"La seule chose qui va changer c'est qu'on va mettre du brouillard sur les yeux des parents qui s'en rendront moins compte. – C'est mieux de ne pas les décourager -. C'est de la pédagogie Nutella mais la claque dans la figure ils vont l'avoir les élèves, ce ne sera plus au collège mais à la Fac. Et à la Fac vous direz ils ne savent pas écrire... Vous vous cachez les yeux sur la réalité des lacunes terribles des enfants".

P. G. avec les GG