Affaire Fillon: le "Recommandé" d'Eric Brunet à Nicole Belloubet
Madame la ministre de la justice Nicole Belloubet,
Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps. Suite aux révélations du Canard Enchaîné sur les rémunérations de Pénélope Fillon, le Parquet National Financier (dont la procureure a été nommée sur proposition de Christiane Taubira) n’a pas attendu plus de vingt-quatre heures pour ouvrir une enquête. A titre de comparaison, il avait fallu plusieurs mois pour que la justice se saisissent du cas de Jérôme Cahuzac.
A quelques mois de la présidentielle, cette institution, placée sous la subordination hiérarchique du Garde des Sceaux, a donc déclenché une procédure judiciaire sans précédent. Quatorze magistrats ont été mobilisés avant la date fatidique du premier tour de l’élection présidentielle. Depuis, plus rien ou presque.
La "série TV Fillon"
Certes, sans dévaloriser le travail accompli par les journalistes du Canard Enchaîné, il semble clair que des magistrats, issus du PNF, ont "feuilletonné" des fuites vers les rédactions, présentant à l’opinion des éléments à charge, partiels et partiaux, qui condamnaient François Fillon aux yeux de l’opinion publique et portaient un préjudice fatal à sa candidature. Ces fuites piétinaient par ailleurs les principes sacrés du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence.
Chaque matin, juges et journalistes ont alimenté le "storytelling Fillon" de nouveaux détails, donnant à ce piège médiatique une sophistication inédite sous la cinquième République. Pour être plus précis, tout au long de la campagne présidentielle, des gens qui avaient accès au dossier ont scénarisé la "série TV Fillon", distillant les révélations chocs au compte-gouttes, avec opportunisme et habileté et avec un sens de la dramaturgie digne d’une série américaine diffusée sur Netflix. Ce déferlement n’a rien d’anecdotique puisqu’il a eu pour conséquence de modifier le cours notre histoire politique en mettant Fillon hors-jeu. Est-ce un bien? Un mal? Ce n’est pas le sujet.
Les juges du PNF ont-ils agi en toute indépendance?
La question que je vous pose aujourd’hui, Madame la Ministre, ne porte pas sur François Fillon mais sur les magistrats eux-mêmes. Les juges du PNF ont-ils agi en toute indépendance ou ont-ils mené leurs investigations sur ordre? L’institution judiciaire a-t-elle l’intention d’apporter des réponses aux nombreuses questions qui restent en suspens?
Merci de bien vouloir, Madame la Ministre, accuser réception de mon recommandé. J’ai hâte d’entendre votre réponse.