Violences sexuelles au travail: "Les femmes doivent batailler pour avoir gain de cause"
Une enquête pour viols a été ouverte contre l'ancien présentateur vedette du journal télévisé Patrick Poivre d'Arvor après la plainte de l'écrivaine Florence Porcel. Des faits qui se seraient déroulés chez TF1, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et au siège de la société de production A Prime Group.
Ce vendredi, Laurent Neumann et Christophe Barbier débattaient de la pertinence d'instaurer des règles "à l'américaine" pour éviter que les femmes ne soient harcelées ou agressées sur leur lieu de travail. Faut-il, par exemple, qu’un homme et une femme ne soient jamais seuls dans un endroit clos?
Une extrémité qui n'est pas nécessaire selon l'avocate en droit du travail Maude Beckers. Elle estime que l'arsenal juridique existe déjà "encore faudrait-il que dans les entreprises, les mesures de prévention et de sanction qui sont prévues par la loi soient appliquées et on verrait après si cela ne suffit pas à empêcher les violences sexuelles".
"Il n'y a pas de plan de prévention parce que ça coûte cher"
L'avocate rappelle d'ailleurs qu'une entreprise est tenue de former ses salariés à la prévention contre les violences sexuelles au travail, mais "très peu de sociétés respectent ces obligations". La raison: "Il n'y a pas de plan de prévention parce que ça coûte cher. Et une femme qui fait un procès pour harcèlement sexuel ne gagne pas au loto, les sommes ne sont pas très importantes. Les employeurs risquent donc financièrement moins en allant devant les juridictions".
Quant à l'argument parfois avancé que certaines femmes feraient de fausses accusations pour des questions de revanche ou de gain, Maude Beckers le balaie:
"Il faut savoir que c'est un vrai parcours du combattant que de dénoncer du harcèlement sexuel au travail, qu'après avoir investi beaucoup d'énergie et au final 80% des accusations n'aboutissent pas. Les femmes doivent batailler pour avoir gain de cause. Et ce sont des carrières brisées. 40% des femmes qui parlent sur leur lieu de travail quand elles subissent du harcèlement sexuel, ce n'est pas l'auteur qui va subir des conséquences, ce sont elles qui vont avoir des représailles".
Et si 80% des accusations n'aboutissent pas, ce n'est pas parce que le dossier n'est pas suffisamment solide, mais "parce qu'il y a une mauvaise formation des services de police et de justice sur comment appliquer les règles de preuve. Les classements sans suite, ce sont juste des dossiers mal faits", assure Maude Beckers.