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13, 14, 15 ans...  l’épineux débat sur l’âge minimal du consentement sexuel

Un prétoire au tribunal de Pontoise

Un prétoire au tribunal de Pontoise - MARTIN BUREAU / AFP

Pour le parquet de Pontoise, les choses sont claires: Sarah, une fillette de onze ans, a pu avoir une relation sexuelle consentie avec un inconnu de 28 ans. Après le tollé provoqué par cette décision, des voix appellent à graver, dans le marbre de la loi, un âge minimum pour le consentement sexuel. Mais lequel? Quinze ans pour la députée LREM Laetitia Avia. Treize pour Ernestine Ronai du Haut commissariat à l'égalité (HCE). Treize aussi pour Michel Martzloff, de l'association L'Enfant bleu. Tous s'expriment pour RMC.fr.

Laetitia Avia, députée LREM de Paris, participe à un groupe de travail à l'Assemblée sur la question des violences sexistes et sexuelles. 

"J'ai été interpellée par cette décision rendue par le parquet de Pontoise. Elle révèle certaines carences dans notre droit, le genre de carence auquel il faut remédier rapidement. Le droit pose une notion de majorité sexuelle à 15 ans. Il faut, selon moi, s'aligner sur ce dispositif législatif de sorte qu'il existe une présomption de non-consentement en-deçà de cet âge.

"Certaines associations qui estiment que qu'à 13 ou 14 ans, le consentement peut être exprimé, ou que le non-consentement n'est pas forcément acquis… Mais j'ai besoin qu'on m'explique pourquoi."

Dans cette zone grise, il n'est pas forcément opportun, pour un juge, d'aller dans une approche casuistique pour déterminer si on est bien dans le cadre d'un viol, ou d'une atteinte sexuelle avec des éléments qui reposeraient sur le consentement de la victime. Ce n'est pas leur travail, je pense, d'aller chercher des éléments factuels qui permettraient d'analyser le comportement -passif ou non- de la victime. Je pense qu'on est dans un rapport de force trop important. Il faut que la société soit protectrice pour les plus faibles.

Ernestine Ronai est une ancienne institutrice. Elle est aujourd’hui la coordinatrice nationale "violence faites aux femmes" au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

"Nous souhaitons que la loi fixe un seuil d’âge où on considère qu’une relation sexuelle entre un mineur de moins de 13 ans et un majeur, n’est pas possible.

Nous avons choisi 13 ans parce que c’est une moyenne par rapport à l’Europe. Ensuite parce que nous voulions un écart d’âge suffisant entre la victime et l’agresseur. Nous avons donc pris l’exemple d’une victime de 13 ans et le plus jeune agresseur, 18 ans donc, ce qui fait 5 ans d’écart, ce qui nous paraissait suffisant.

Aujourd’hui on ne se pose pas la question des moyens utilisés par l’agresseur sur un mineur de 15 ans. On déqualifie en atteinte sexuelle, une agression sur un mineur. Sauf que l’atteinte sexuelle est punie de 5 ans de prison, et le viol de 15 ans de prison, 20 si c’est une personne ayant autorité. L’écart est énorme ! Puis pour la victime ça ne fait pas du tout la même chose de dire 'tu as subi une atteinte sexuelle' ou de dire 'tu as subi un viol'. Ça ne fait pas du tout le même effet. Elle n’est pas vraiment reconnue complètement comme une vraie victime de quelque chose de très grave qui est un crime".

Michel Martzloff est secrétaire général de L'Enfant bleu, une association qui combat la maltraitance. 

"La jurisprudence dit que jusqu'à 5 ans, il n'y a pas de consentement possible. A partir de 10 ans, le juge a besoin de la preuve qu'il y a bien eu une menace ou contrainte… Pour nous, la question ne se pose pas pour un mineur de moins de 13 ans. Notre position est que la violence, la contrainte, la menace et la surprise, est présumée en matière de viol mais aussi d'agression sexuelle pour un mineur de moins de 13 ans.

13 ans, 15 ans, les psychiatres ont tous des avis différents. Le HCE, qui a regardé ce qui se passe dans les différents pays européens qui prévoient un âge en-dessous duquel le mineur bénéficie d'une présomption de non-consentement, s'est positionnée sur 13 ans, ce qui nous semblait une bonne référence. On n'est pas arc-boutés là-dessus. Mais dans les dossiers que nous suivons, nous avons des situations invraisemblables. Des enfants de 10 ans pour lesquels la justice regarde de près s'il y a consentement, et qui admet que, parfois, il y a un consentement... Mais un enfant n'a pas la maturité nécessaire pour juger de ce qui est en train de se passer et peut, sous la sidération, ne pas réagir. "

Propos recueillis par Guillaume Dussourt et Paul Conge