A quoi va servir le projet de loi sur le "séparatisme" (tant attendu)?
Le fameux projet de loi sur le “séparatisme” a été transmis cette semaine aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il doit être présenté au Conseil des ministres dans trois semaines, le 9 décembre. Mais quelles sont les principales mesures de cette loi qui fait tant parler depuis des mois?
Parmi la cinquantaine d’articles, certains sont plus polémique que d'autres. Ainsi, l'article 4 crée de nouveaux délits: "Menaces ou intimidations en vue d'obtenir des exemptions ou des traitements différents liés à la religion" par exemple. Cela vise donc un parent d'élève qui menacerait un prof pour que sa fille soit dispensée de sport. Ou bien, à l’hôpital, où un homme intimide les soignants pour que sa femme soit examinée par une femme. Peine maximale prévue: 5 ans de prison, 75.000 euros d’amende ou bien l’expulsion si le délit est commis par un étranger.
L’article 1 rappelle de son côté l’obligation de neutralité religieuse des agents de l'État mais étend cette neutralité aux entreprises qui exercent une délégation de services publics. Par exemple, les entreprises de transports. Cela vise clairement les chauffeurs de bus radicalisés.
Les préfets pourront aussi faire appliquer une "stricte laïcité"
Ils pourront se substituer à un mair, si cet élu prend des décisions contraires à la neutralité religieuse. On pense ainsi aux ouvertures des piscines avec des horaires réservés aux femmes. Si une ville le décide, le préfet devra annuler l'arrêté municipal. La loi prévoit aussi l’interdiction pour un médecin d'établir des certificats de virginité. C’est puni d’un an de prison et 15.000 euros d’amende.
Interdiction aussi ou quasi-interdiction de l'enseignement à domicile: sauf raison médicale impérative, tous les enfants doivent aller à l'école de 3 à 16 ans.
La future loi contient, aussi, des mesures contre l’incitation à la haine. C'est même toute une partie du projet de loi. Et il a été renforcé après l’assassinat de Samuel Paty. Ainsi, l’article 25 crée le délit de "mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’information". Par exemple, donner sur les réseaux sociaux, le nom ou l’adresse de quelqu’un en vue de lui nuire. Une peine passible de 3 ans de prison. On pense bien sûr au père d’une élève qui donnait l’adresse du collège de Conflans-Saint-Honorine. Ce père est actuellement en prison: il y avait déjà de quoi le poursuivre avec les textes actuels. Mais la nouvelle loi prévoit aussi 3 ans de prison pour l’auteur de ce type de diffusion d’information même si ces menaces n’ont été suivies d’aucun effet. Là, on pense à ceux qui donnaient l’adresse du lycée de la jeune Mila. Ils risqueront 3 ans de prison et ils pourront être jugés en comparutions immédiates.
Ce qui se dit dans les mosquées pourra aussi être sanctionné
Les auteurs de prêches haineux seront passibles de 7 ans de prison. Les lieux de culte seront fermés à titre temporaire. Emmanuel Macron a, d’autre part, fortement poussé le Conseil Français du Culte Musulman à créer un "Conseil des imams".
Cet organisme délivrera une carte professionnelle aux imams. Et qui pourra la retirer s’ils ne signent pas ou ne respectent pas une charte qui est en cours de rédaction sur le respect des valeurs républicaine. Même si l’islam est une religion qui n’a pas de hiérarchie. En réalité, rien ne pourra empêcher une mosquée de choisir un imam qui ne signera pas la charte: il y aura désormais les imams labélisés... et les autres.
Finalement le texte apparaît plus dur que ce qui était attendu. À Mulhouse, en février dernier, Emmanuel Macron avait présenté un texte sur le séparatisme. Un mot qu’il avait d'ailleurs inventé pour lutter contre l’Islam politique et toute forme de “séparatisme islamiste”. A l'arrivée, le terme a finalement disparu.
Il s'agit donc d'une loi “confortant les principes républicains": un intitulé plus neutre mais avec des mesures plus fortes, lié aux trois derniers attentats - devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, à Conflans-Saint-Honorine et à la basilique de Nice. Des événements qui ont poussé Macron à durcir son projet.