Affaire Sarah Halimi: "Que des décideurs politiques aient des commentaires à la va-vite, c’est dangereux"

Le mois prochain, un projet de loi sur l'irresponsabilité pénale va être présenté à l’Assemblée nationale. C'est le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, qui l'a lui-même annoncé. Ce projet de loi arrive après la décision de ne pas juger le meurtrier de Sarah Halimi, femme tuée parce que juive, en 2017 à Paris.
Les experts ont estimé que son meurtrier, Kobili Traoré, était en proie à une "bouffée délirante" au moment des faits après avoir consommé de la drogue. Dans leur arrêté, les experts indiquent que le discernement de Kobili Traoré, était ainsi "aboli" au moment des faits. Cela confirme une première décision de justice, rendue en 2019 par la Cour d’appel de Paris.
Il n’y pas eu de procès car, comme l'indique l’article 122-1 du code pénal, "n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes…".
"Une tâche sur le drapeau français"
Plus de 25 000 personnes se sont rassemblées dimanche un peu partout en France pour réclamer "justice".
Parmi eux, Eric Ciotti. Invité de RMC, ce lundi matin, le député LR des Alpes-Maritimes, ne mâche pas ses mots:
"Cette affaire est une tâche, une honte sur le drapeau français. J'ai mal à ma France. Ce crime antisémite ne doit pas resté impuni. C'est un assassinat antisémite, donc il y a eu préméditation. Il faut ne rien concéder sur l'antisémitisme, qui mobilise ces germes terrifiants de notre société, qui viennent de l'islamisme. C'est une guerre civilisationnelle Les islamistes, veulent nous détruite, détruire notre société".
>> A LIRE AUSSI - Affaire Sarah Halimi: pourquoi l’irresponsabilité pénale de son meurtrier présumé ne passe pas
"On ne juge pas avec émotion”
Mais pour Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, il ne faut pas juger avec émotion.
“Il ne faut pas dans ces sujets complexes, réagir avec émotion et surtout pas dans l’urgence, parce que c’est compliqué, parce que tout le monde au-delà de l’émotion comprend que c’est compliqué parce que ça touche à la psychiatrie, à la matière criminelle. Que des décideurs politiques aient des commentaires comme ça à la va vite, c’est dangereux. On ne juge pas avec émotion”, appuie-t-elle ce lundi matin sur RMC.
Elle a également rappelé que Kobili Traoré n’a pas été jugé irresponsable pénalement parce qu’il avait pris du cannabis, mais parce qu’il était atteint de troubles psychotiques.
“C’est là toute la complexité. C’est pour ça qu’on dit que ce sont le trouble et la bouffée délirante qui l’ont poussé à se comportement, elle avait une origine exo-toxique. Donc on voit bien qu’il y a plusieurs critères qui entrent en considération”, assure-t-elle.
Une loi adoptée cet été?
Elle assure même que la question se pose aussi sur la prise volontaire ou non de drogue. En effet, selon la secrétaire nationale de la magistrature, elle estime que ce n’est pas acté que lorsque l’on souffre de troubles psychotiques, on soit lucide sur la consommation de stupéfiants.
“Est-ce que véritablement on a conscience que cette prise de drogue va pouvoir aboutir à un comportement extrêmement violent, extrêmement agressif, à une bouffée délirante. Est-ce que véritablement, on fait la différence entre le bien le mal, est-ce qu’on peut juger si ce joint là va être celui de trop? Sur le caractère volontaire, la question demeure et tout est là”, assure-t-elle.
La loi, promise par Eric Dupond-Moretti, pourrait être adoptée par le Parlement "cet été". Le conseil représentatif des institutions juives de France demande à ce qu'elle porte le nom de Sarah Halimi.