Comment la France met la pression sur le gouvernement libanais

- - RMC
Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé des sanctions contre un certain nombre de dignitaires libanais. C’est ce qu’on appelle un coup de pression, presque un ultimatum. Les personnalités libanaises impliquées dans des affaires de corruption, ou jugées responsables du blocage politique dans le pays, ne seront donc plus les bienvenues en France.
Le Quai d’Orsay devance ainsi des sanctions qui étaient déjà envisagées au niveau européen, mais qui devaient être validées à l’unanimité des 27. On ne sait pas précisément qui sont les dignitaires visés, ni si les binationaux peuvent être concernés. Un flou volontaire pour laisser planer une menace.
Pourquoi ces sanctions?
Parce que depuis des mois, la France exige la formation d’un gouvernement au Liban pour sortir le pays de la crise dans laquelle l’a plongé l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Emmanuel Macron s’est rendu sur place deux fois, la population lui avait exprimé ses attentes: mettre fin à la corruption des élites, sortir de la crise bancaire, trouver un gouvernement stable.
Et depuis l’été dernier, la situation n’a pas évolué? Si, mais en pire.
L’explosion a fait 200 morts et 6500 blessés, mais aussi plus de 300.000 victimes indirectes, contraintes de quitter leurs foyers. Des écoles, des hôpitaux, des services publics et des entreprises ont été balayés par la déflagration. À cela, s’ajoute une crise économique et financière qui dure, l'inflation atteint des sommets.
Le prix du kilo de lentilles a été multiplié par six, celui du pain par trois, et les ONG estiment que la moitié de la population libanaise vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Tout cela sans qu’un gouvernement n’ait été formé depuis 8 mois. Saad Hariri a été nommé Premier ministre en octobre, avec justement pour mission de constituer un cabinet, mais les divergences sont nombreuses avec le président, Michel Aoun. Chacun accuse l’autre d’être responsable du blocage, dans un pays régi par le confessionnalisme, ce qui signifie que toutes les communautés religieuses doivent être équitablement représentées.
Outre l’Europe, l’ONU, la Ligue Arabe et les Etats-Unis appellent à une sortie de crise rapide. Le département d’Etat américain qui a dénoncé il y a un mois, je cite, “la stratégie du bord du gouffre des responsables politiques libanais”.