Église, collectivités... Qui doit payer les travaux de la "Bonne Mère" à Marseille ?

L’État peut-il subventionner la restauration des lieux de culte en respectant la laïcité? À Marseille, la rénovation de la Basilique Notre-Dame de la Garde pose question dans les rangs des élus de La France Insoumise. Ils protestent contre les aides publiques accordées au chantier.
La Bonne Mère se refait une beauté. Après la pose de 40 tonnes d’échafaudages, la statue de la Vierge et l’Enfant au sommet recevra plus de 30.000 feuilles d’or. Des pierres de 70 kilos vont être remplacées ou traitées. Un atelier de restauration perché à 200 mètres d’altitude et il n’y a pas que le chantier qui est vertigineux.
Le budget aussi: 2.800.000 euros. Et c’est là que le dossier se complique. Près de la moitié ont déjà été récoltés sous formes de dons de particuliers, d’entreprises. Pour le reste, des subventions ont été débloquées. 700.000 euros pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence et le département alors que la ville et la région débloquent 500.000 euros chacune.
1.700.000 euros qui choque La France Insoumise
"Ni classé, ni bâtiment public", écrivent La France Insoumise, rappelant que le monument appartient au diocèse. Ils estiment le chantier est contraire à la loi de 1905. En réponse et en colère, la présidente du département et de la Métropole leur répond : "Honte à vous! S’attaquer à la Bonne mère (…) Classée ou non, elle est inscrite dans le cœur de chaque Marseillais."
Ça rappelle quand même le chantier de Notre-Dame à Paris. Pour le symbole au moins car les montants sont bien différents. 700 millions d’euros de chantier pour la cathédrale parisienne mais un financement intégral par les dons. On pourrait presque dire que ça n’a rien coûté à l’Etat. Il faut quand même compter 300.000 petites contributions, des dons de moins de 1.000 euros, qui ont été défiscalisés. La Cour des comptes dira bien assez tôt ce que cela représente en moins du côté des recettes fiscales.
Mais qui doit payer pour la rénovation des lieux de culte?
Ça dépend. Il y a plusieurs étapes historiques à avoir en tête. À la Révolution française, les biens du clergé sont nationalisés. A partir de 1905, les églises deviennent propriété des communes. Certaines cathédrales appartiennent à l’Etat. Mais attention, dès 1907, ces biens sont affectés à l'Église catholique, à titre gratuit, exclusif et perpétuel pour toujours.
L'État finance l’entretien et les travaux. En moyenne, une restauration coûte 2 millions d’euros, alors qu'il y a 100.000 lieux de culte en France. Pour résumer, c’est à l'État, mais on est chez l’Église et la République française ne peut rien financer qui soit directement lié au culte.
La Bonne Mère, quant à elle, appartient au diocèse catholique. C’est sa particularité. En 1905, c’est sur un terrain de la marine que se trouvait la Basilique. Quand la marine nationale a voulu s’en séparer, c’est le diocèse de Marseille qui en a hérité. Non classée monument historique, l’État n’a donc pas à s’en occuper.
Début janvier, la ministre de la Culture Rachida Dati a proposé de classer la Bonne Mère. Pas de réponse du diocèse encore, probablement inquiet de voir arriver tout un tas de contraintes et de normes supplémentaires.
Finalement, c'est bien à l'État de financer les travaux car en 1942, sous le régime de Vichy, un article de la loi de 1905 a été modifié et demeure l'argument utilisé par les élus marseillais: "Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques".