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Économie

La croissance sera "morose" début 2025 selon l'Insee, sauf choc de confiance encore indécelable

Le ministère de l'Economie à Bercy, le 5 juin 2023

Le ministère de l'Economie à Bercy, le 5 juin 2023 - AFP

La croissance du PIB français ne devrait pas dépasser 0,2% au premier et au deuxième trimestres 2025, estime dans sa note de conjoncture présentée mardi l'Insee, qui continue à prévoir une croissance nulle au quatrième trimestre de cette année.

L'Insee entrevoit un début 2025 "morose" pour l'économie française, sans doute loin des espoirs de croissance du gouvernement pour faire sortir les finances publiques de l'ornière, que seul un "regain de confiance" rapide et encore difficile à imaginer pourrait revigorer.

"L'activité suspendue à un regain de confiance", résume le titre de la note de conjoncture publiée mardi par l'Institut national des statistiques. Au vu du "paysage morose" décrit par les enquêtes menées auprès des ménages et des entreprises, la croissance du PIB ne devrait pas dépasser 0,2% par trimestre au premier semestre 2025, horizon de ces prévisions.

Chômage

Après 1,1% au total en 2024, dont un quatrième trimestre à croissance nulle, le PIB ne gagnerait ainsi que 0,5% sur la première moitié de 2025. Il faudrait deux derniers trimestres à 0,8% chacun, "une croissance élevée pour l'économie française", a euphémisé le chef du département de conjoncture de l'Institut, Dorian Roucher, pour atteindre la dernière prévision annuelle de l'exécutif pour l'an prochain, 1,1%.

"Ou alors, il faudrait que les aléas positifs se matérialisent tout de suite", a-t-il avancé.

Mais, à ce stade, l'Insee prévoit plutôt que "les deux moteurs de 2024 s'éteindraient": le commerce extérieur, vigoureux en 2024, "se normaliserait" à la baisse, tandis que la reconduction à l'identique du budget de 2024 - hypothèse sur laquelle repose le scenario de l'institut, faute pour l'instant d'un nouveau budget après la censure du gouvernement Barnier - se traduirait par un coup de frein sur les dépenses publiques.

La demande privée "prendrait alors faiblement le relais" : l'investissement "resterait bridé par l'incertitude" et serait quasi-stable. Seul "le consommateur porterait un peu la croissance", avec une augmentation de 0,1% puis 0,3% de ses dépenses en début d'année.

La hausse de la consommation n'a pas dépassé 0,9% cette année, alors que le pouvoir d'achat grimpait de 2,1%. Ces gains sont surtout partis en épargne. Il faut "attendre que les ménages perçoivent que l'inflation baisse", selon M. Roucher, alors que l'Insee voit l'inflation refluer jusqu'à 1% seulement en juin.

L'économie créerait par ailleurs 40.000 emplois d'ici à la fin du semestre, presque uniquement non salariés, notamment des micro-entrepreneurs, et le taux de chômage "s'élèverait légèrement" jusqu'à 7,6% à mi-année.

"Contraste frappant"

Dans l'ensemble de la zone euro, observe l'Insee, "la reprise qui s'esquissait depuis le début 2024 s'essouffle déjà et la convalescence se prolonge". Outre la frilosité des consommateurs européens après la vague d'inflation, l'Europe est confrontée aux industriels chinois qui "cassent leurs prix".

"Le contraste est frappant entre la morosité du Vieux continent et l'insolente santé de l'économie américaine", souligne la note.

L'Insee a du mal à évaluer la direction des aléas pesant sur son scenario. Ainsi, les conséquences de l'élection de Donald Trump "restent floues" : d'un côté la mise en place rapide de mesures douanières pourrait freiner le commerce mondial. D'un autre, une expansion budgétaire accrue des Etats-Unis le stimulerait.

Difficile aussi de prévoir les conséquences de la situation nationale. Si la politique budgétaire que mènera le gouvernement Bayrou pour réduire le déficit public "s'avère plus restrictive", cela peut "freiner encore davantage la demande intérieure".

Cependant, "un rétablissement rapide de la confiance pourrait débloquer les comportements d'achats des agents privés", a relevé M. Roucher. La Banque de France a aussi soulevé cette double possibilité lundi en révisant de 1,2% à 0,9% sa prévision de croissance annuelle pour 2025.

Les acteurs économiques en tout cas n'en peuvent plus. Mardi, dans un rare communiqué commun adressé aux "élus et responsables politiques", les trois organisations patronales et quatre des cinq syndicats représentatifs ont appelé à "retrouver au plus vite le chemin de la stabilité, de la visibilité et de la sérénité", pour éviter "une crise économique aux conséquences sociales dramatiques".

Seule la CGT ne l'a pas signé, sa numéro un Sophie Binet jugeant que la situation actuelle était plutôt "le résultat du naufrage de la politique de l'offre" menée depuis l'accession au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017.

C.A avec AFP