Marie Blachère, Ange, Feuillette... Les chaînes industrielles inquiètent les artisans boulangers

Rémi est artisan boulanger. Il est installé à Sorcy-Saint-Martin (Meuse), où La grange aux pains sert des centaines de clients depuis 18 années. Mais ce mardi 26 novembre au matin, sa voix n'est pas sereine. Au micro de RMC, il réagit à la "victoire" d'une boulangerie artisanale à Angoulême (Charente) face à l'enseigne "Ange", qui s'était installée il y a moins d'un an à 20 mètres de chez elle. Finalement, le "petit" a résisté et vaincu le "gros". Mais à partir du mercredi 27 novembre, c'est au tour de Rémi de devoir entrer en guerre.
"Il y a une Marie Blachère qui ouvre demain à 8 km de chez nous. Donc on commence à avoir un peu peur: comment vont réagir les clients? Ils nous disent qu'ils aiment bien notre qualité de pain, les viennoiseries, les pâtisseries et tout ça, mais bon... Le porte-monnaie parle aussi", concède-t-il.
"Ils vont s'implanter à un endroit stratégique où quasi tout le monde passe", souligne Rémi, inquiet.
Comme Abdel et Siham à Angoulême, il "espère" que le lien avec ses clients et la qualité feront la différence, sans que cette hypothèse ne dissipe les sérieux doutes qui s'installent en lui.
"Il ne faut surtout pas faire comme eux", alerte Siham sur RMC, co-gérante de L'amie du pain à Angoulême. "J'ai des collègues qui se sont mis à faire 3 + 1 offerte... Il faut miser sur le vrai, l'artisanal, la proximité. Le tout fait maison doit être mis en valeur", conseille-t-elle.
"Nos clients sont nos plus fidèles supporters"
Albert est aussi artisan boulanger à Calvisson et à Nîmes (Gard), et doit également faire à la concurrence industrielle dans sa région depuis 15 jours. "C'est à 4 km de la mienne, ils proposent des choses différentes. Nous, on fabrique absolument tout et on doit se battre contre ces marques, dont certains ne font que du pain et tout le reste est industriel", insiste-t-il.
"Bizarrement, quand ils ont ouvert, j'ai eu une affluence de clients supérieure à la normale. Nos clients sont nos plus fidèles supporters", salue-t-il.
Pour lutter, il estime qu'il faut "jouer sur la transparence". "Il faut expliquer, expliquer, expliquer la différence entre artisanal et industriel", insiste-t-il, estimant que la lutte reste "compliquée".
Difficile de lutter en revanche financièrement, notamment au niveau des factures et du coût des matières premières. "On essaye de faire des actions avec la fédération des boulangers pour acheter de l'électricité. Nos concurrents, avec 800 boulangeries, ils achètent l'électricité trois fois moins cher que nous", assure Albert.
"La balance en train de s'équilibrer" sur la qualité?
C'est donc aux clients de trancher cette bataille. Sur RMC, Nando, 42 ans, chauffeur poids lourd, laisse la chance aux deux modèles. Il note que de nombreuses enseignes industrielles sont plus faciles d'accès en termes de stationnement, et aussi que l'offre n'a parfois pas à rougir de la comparaison en terme de goût.
"Depuis une dizaine d'années, ils se sont vachement améliorés sur la qualité de leurs produits, et a contrario certaines boulangeries de quartier ont baissé de qualité", remarque-t-il. "La balance est en train de s'équilibrer".
Pour lui, un critère subjectif peut faire la différence: le test du flan, son péché-mignon, souvent meilleur chez les artisans. Les boulangers savent donc ce qu'il faut faire pour séduire Nando. Reste à convaincre les 67 millions d'autres Français que l'artisan peut lutter contre l'industriel.