Note de la France dégradée: "Ce sont évidemment les Français qui payent la facture" pour Marc Touati

L’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a annoncé, vendredi dernier, la baisse de la note de la France, du troisième cran (AA) au quatrième (AA−), sanctionnant la "détérioration de la position budgétaire" du pays. Jusqu’alors, ce dernier était noté AA par l’agence américaine, une excellente appréciation, mais assortie d’une perspective négative. La meilleure note étant, pour rappel, le fameux “triple A” (AAA).
"Il n’y aura pas d’impact sur le quotidien des Français", a assuré le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, dans une interview au Parisien publiée peu après l’annonce de S&P.
"Tant qu’on est double A, il y a encore beaucoup d’investisseurs qui veulent, malgré tout, acheter cette dette publique. Donc pour l’instant, Standard & Poor’s a été globalement sympa", pose Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI (Aux commandes de l’économie et de la finance), ce lundi 3 juin 2024 au micro d'Apolline Matin sur RMC.
Un simple alerte, alors? "Malheureusement, ça va continuer de se dégrader", estime l’économiste, qui souligne que "l’étape d’après, c’est le simple A". Selon lui, dans son communiqué, S&P montre ne pas avoir confiance dans les annonces du gouvernement, qui promet de réduire ce déficit public. Et pour cause, l'agence parle d’une "perspective négative".
Des conséquences sur les crédits des ménages
Interrogé sur le dérapage de la dette publique, dans un entretien accordé à BFMTV samedi, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a estimé avoir "sauvé l’économie française", évoquant les milliards d’euros de prêts avancés par l’État lors de la période du Covid.
"Si aujourd'hui, nous avons un niveau de dette élevé, c'est pour quoi? C'est parce que j'ai sauvé l'économie française. (...) J’ai sauvé les usines, les restaurateurs, les hôteliers, le monde de l’événementiel, des emplois, des compétences, la filière aéronautique. (...) Mais il n’y a rien de gratuit. Quand on sauve, on paye. Quand on paye, il y a plus de dette", a défendu Bruno Le Maire.
"On ne peut pas dire ça", réagit Marc Touati. "Ce n’est pas la réalité économique". Pour l'économiste, les conséquences sont déjà là: "Quand un pays est dégradé, ce qui est aujourd’hui le cas pour la France, les taux d’intérêts que payent l’Etat sur sa dette publique augmentent."
"On avait des taux d’intérêts qui étaient à 0% il y a quelques années, maintenant on est à 3,2%". Dans la pratique, quelles pourraient être les conséquences pour les particuliers dans leur vie quotidienne? "Mécaniquement, ça veut dire que tous les taux d’intérêts de crédits des ménages, des entreprises, sur l’immobilier, sur l’investissement, sur la consommation, vont encore augmenter. Donc ça nous concerne évidemment", résume l'économiste.
Un impact sur les impôts?
Bruno Le Maire a pourtant promis que cela n’aurait pas pour conséquence une hausse des impôts. Le ministre de l’Economie maintient l’objectif promis de 2 milliards d’impôts de moins pour les classes moyennes. Marc Touati y croit peu: "On nous avait promis qu’on baisserait les impôts. Le fait de ne pas les augmenter est déjà un échec".
Selon lui, l'augmentation de ces taux d’intérêts va coûter aux ménages, mais surtout à l’Etat. "Chaque année, l’Etat français dépense plus de 50 milliards d’euros juste pour payer les intérêts de la dette, et à partir de l‘année prochaine ça va atteindre 75 milliards d’euros", indique-t-il.
"En 10 ans, les intérêts de la dette ont augmenté de 500 milliards d’euros. C’est de l’argent qu’on n’a pas mis dans les hôpitaux, les écoles... C’est ça le drame, les conséquences immédiates", juge Marc Touati.
"Si, encore une fois, cette charge d’intérêt de la dette augmente, il va falloir la payer, c’est là où, inévitablement, on risque de devoir augmenter les impots à la fin, ou de ne pas les baisser", poursuit-il. Conséquence: ceux qui payent la facture à la fin, "que ce soit sur les taux d’intérêts, les impôts, ou globalement dans l’économie c’est-à-dire en termes de croissance ou de chômage, ce sont les Français”.
Alors, Bruno Le Maire a-t-il "sauvé" l’économie française? Sur le plateau des Grandes Gueules, l'avocat Charles Consigny donne, lui, en partie raison au ministre. D’ailleurs, les deux autres principales agences internationales, Moody’s et Fitch, n’ont pas pour autant revu à la baisse la note française en avril et ont maintenu leur Aa2 pour l’un, équivalent de la note de S&P, et AA− pour l’autre, un cran en dessous.