"Soumission", "soulagement": les industries françaises partagées après l'accord sur les droits de douane

Européens et Américains ont trouvé un accord sur les droits de douane. Enfin presque. Si le texte doit encore être ratifié par les 27, beaucoup de voix dénoncent déjà un accord inégal qui ne profite qu'à Donald Trump, introduisant une taxe de 15% sur les produits européens exportés aux Etats-Unis.
"C'est une forme de soumission", tacle ce mardi sur RMC Teoman Bakoglu, directeur général adjoint de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec), qui représente 9% des exportations françaises vers les Etats-Unis.
"Cela va impacter notre compétitivité et avoir un impact sur le coût de nos produits", ajoute-t-il.
Le secteur risque de se retrouver concurrencé par les industries d'autres pays. A commencer par le Royaume-Uni, qui a obtenu seul 10% de droits de douane supplémentaires, moins que l'Union européenne donc: "Il y a immédiatement un effet", prévient Teoman Bakoglu.
Miser sur l'électricité pour asseoir son indépendance vis à vis du gaz américain
Mais les droits de douane ne sont qu'une partie de l'accord. Les Etats-Unis ont obtenu de l'Union européenne qu'elle achète 750 milliards de dollars d'hydrocarbures américains dont du gaz naturel, du pétrole et du gaz de schiste. Une manière de se détacher en partie de la dépendance au gaz russe.
"Pour se chauffer, les Français paient 1 milliard d'euros de gaz russe par an et 800 millions d'euros de gaz de schiste américain", détaille le directeur général adjoint de la Fieec. "C'est pour ça que la question de l'électrification, c'est la stratégie d'indépendance énergétique de la France. Il faut l'accélérer avec MaPrimeRenov dans le logement et une réforme du DPE qui doit avantager l'électricité par rapport au gaz".
Car aujourd'hui, l'électricité, avec les taxes qui pèsent dessus, est pénalisée par rapport au gaz: "Il faut rééquilibrer l'électricité par rapport au gaz. La décarbonation est un enjeu environnemental mais aussi d'indépendance stratégique et énergétique", insiste Teoman Bakoglu.
L'industrie laitière partiellement soulagée
Autre secteur qui risque de pâtir de ces droits de douane, celui des produits laitiers: "On a un sentiment de soulagement et d'amertume", assure sur RMC Story François-Xavier Huard, PDG de la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil). "Cet accord était nécessaire pour éviter le risque d'une guerre commerciale s'éloigne alors que Donald Trump commençait à évoquer des taux totalement exorbitants comme 30 ou 50%", poursuit-il.
"A 15%, on est au-dessus de ce que l'on paie actuellement, on paie environ 10%. C'est quelques dollars de plus mais nos produits, à la différence de ceux du luxe, on est très élastique sur les prix", détaille François-Xavier Huard.
"Mais on a un sentiment d'amertume, l'accord n'est pas équilibré, pas réciproque. Et depuis le début de l'année, le dollar a pris 13% par rapport à l'euro. Si vous ajoutez cela au 15%, on s'approche des 30% d'origine", alerte le PDG de la Fnil.
Ce n'est pas la première fois que le secteur est visé par des droits de douane rehaussés. En 2019, lors du premier mandat de Donald Trump, ces taux avaient déjà été portés aux alentours de 35%, entraînant une perte de plusieurs dizaines de millions d'euros d'exportation en deux ans, avant l'arrivée à la tête de la Maison Blanche de Joe Biden.
Pour éviter des pertes, les producteurs pourraient rogner sur leur marge: "Notre souhait c'est de rester dans les rayons pour que le consommateur américain achète français et ne se tourne pas vers du fromage de Nouvelle-Zélande", explique François-Xavier Huard.
La filière pourrait aussi se tourner vers d'autres marchés de report comme l'Amérique latine, le Moyen-Orient ou l'Asie-du-Sud-Est: "On pourrait accélérer sur des accords de libre-échange avec ces zones-là", appelle le PDG de la Fnil.
Le match n'est pas fini prévient une ministre
Les industries françaises qui exportent vers les Etats-Unis et pourraient pâtir de ces droits de douane sont attendues mercredi à Bercy par le ministre de l'Economie. Et elles espèrent encore pouvoir négocier sur certains leviers: "Tout n'est pas joué", estime Teoman Bakolgu.
"Dans le détail, ce sont des milliers de références de produit. Il y a le temps de la communication médiatique et politique et il va y avoir celui du travail et des accords spécifiques", espère-t-il.
"C'est un accord déséquilibré et qui n'est pas satisfaisant", abonde sur RMC Clara Chappaz, ministre déléguée à l'intelligence artificielle et au numérique. "On finit la première mi-temps pas tout à fait contents, mais ce n'est pas la fin du match, on va retourner sur le terrain pour l'améliorer", poursuit-elle.
"(Il faut) continuer le rapport le force pour améliorer cet accord", note-t-elle.
"Je refuse la fatalité, on reste déterminés, engagés et l'Europe doit rester du côté de ses entreprises. Nous allons les accompagner et repartir plus fort", promet Clara Chappaz.